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Merkel porte un coup à un gazoduc russo-allemand au nom de l'Ukraine

La chancelière Angela Merkel a mis un coup de canif inattendu mardi à un projet de gazoduc sous-marin stratégique pour Moscou, réclamant de pérenniser le rôle de l'Ukraine dans le transit du gaz russe vers l'Europe.

L'annonce intervient dans un contexte de tensions croissantes entre la Russie et l'Occident, notamment en raison du conflit dans l'est de l'Ukraine opposant séparatistes pro-russes et forces du gouvernement pro-occidental de Kiev.

Au sein de l'Union européenne, Pologne en tête, le projet de gazoduc Nord Stream 2 est très critiqué en raison de l'importance politico-économique qu'il revêt pour la Russie. Le tube contournerait en effet l'Ukraine, actuellement une zone de transit essentielle pour le gaz russe vendu à l'Europe.

Berlin assurait jusqu'ici qu'il s'agissait d'une infrastructure purement "commerciale" et avait même levé fin mars les derniers obstacles à la construction de ce gazoduc reliant Russie et Allemagne via la mer Baltique, en complément de Nord Stream 1, déjà en service.

"Il y a aussi des facteurs politiques à prendre en considération", a finalement admis la chancelière lors d'une conférence de presse conjointe à Berlin avec le président ukrainien Petro Porochenko.

"Un projet sans clarté sur le rôle de l'Ukraine dans le transit n'est pas possible", a-t-elle ajouté.

L'annonce inattendue de Mme Merkel intervient dans un contexte de tensions russo-occidentales croissantes. Outre l'Ukraine, les deux camps s'opposent sur la guerre en Syrie et l'empoisonnement à Londres d'un ex-agent double.

Dans la soirée, le géant russe Gazprom a ouvert la porte à une conciliation en se disant disposé à maintenir une partie du transit de gaz pour l'Europe par l'Ukraine mais à des volumes réduits et à condition d'un contrat rentable.

"Un certain transit (par l'Ukraine) peut être conservé, d'un volume de 10-15 milliards de mètres cubes par an, mais la partie ukrainienne doit justifier l'intérêt économique d'un nouveau contrat de transit", a déclaré dans un communiqué le patron de Gazprom Alexeï Miller.

Cela permettrait donc de garantir à Kiev une partie de la manne des droits de transit terrestre payés par Moscou à l'heure où la Russie tente de l'en priver.

Cependant, la proposition de Gazprom ne représente qu'une petite partie du gaz russe transitant actuellement via l'Ukraine vers l'Europe. Selon les statistiques ukrainiennes, ces volumes ont représenté 93,5 milliards de m3 en 2017, une hausse de 13,7% par rapport à 2016.

- Blocus russe de l'Ukraine -

Dans un entretien au quotidien allemand Handelsblatt, M. Porochenko avait accusé lundi la Russie de vouloir imposer un "blocus économique et énergétique" à l'Ukraine avec la construction de ce tube sous-marin.

"Le projet est sans fondement économique", assurait-il, estimant que Nord Stream 2 est un "projet politique financé par la Russie" et que la modernisation du réseau trans-ukrainien était possible à un moindre coût.

Lancé en 2005 au temps de relations plus chaleureuses entre Berlin et Moscou, le projet Nord Stream avait pour objectif de mettre l’approvisionnement en gaz de l'Europe à l'abri des conflits gazier à répétition opposant Moscou et Kiev.

Nord Stream 1 a été mis en service en 2011, et Nord Stream 2 est censé doubler la capacité à 55 milliards de m3 fin 2019.

Mais le chantier du deuxième gazoduc cristallise les tensions au sein de l'Union européenne, la Commission européenne et plusieurs pays d'Europe de l'Est souhaitant réduire leur dépendance envers le géant russe Gazprom.

La consommation de gaz russe en Europe ne cesse de croître d'année en année, sa part de marché représentant en 2017 35% dans l'UE des 28. En Allemagne, elle flirte avec les 60%.

Et la Russie cherche à renforcer cette dépendance. Le gazoduc TurkStream vise ainsi à renforcer les livraisons à la Turquie et à en faire un pays de transit vers le sud de l'Union européenne, toujours pour contourner l'Ukraine. Sa mise en service est prévue fin 2019 par Gazprom.

L'Ukraine et la Russie ont déjà connu plusieurs "guerres du gaz", dont certaines avaient perturbé les fournitures russes à plusieurs pays européens.

Les tensions entre les deux pays se sont exacerbés début 2014 avec le renversement du président pro-russe ukrainien Viktor Ianoukovitch après des semaines de manifestations, entraînant l'annexion russe de la Crimée et et le déclenchement du conflit armé dans l'est du pays.

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