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Meurtres néonazis en Allemagne: la principale accusée rejette sa responsabilité

Après cinq ans d'un procès hors-norme, les avocats de la survivante d'un trio de tueurs néonazis présumés ont rejeté la culpabilité de leur cliente dans cette affaire qui a scandalisé l'Allemagne et révélé de graves défaillances policières.

Dès les premières minutes de sa plaidoirie prévue pour durer deux jours, le principal avocat de Beate Zschäpe, 43 ans, a assuré que sa cliente n'avait pas participé aux dix meurtres pour lesquels elle est jugée depuis mai 2013. Ce qui en fait la série la plus grave de crimes racistes que le pays ait connu dans l'histoire d'après-guerre.

"Le parquet fédéral a soutenu que ma cliente, avec ses complices, a exécuté neuf êtres humains choisis de manière arbitraire car ils étaient des étrangers", a dit Me Hermann Borchert.

"Je vais démontrer que l'exposé du parquet fédéral n'était rien d'autre qu'un examen des preuves mené uniquement à charge et miné par les spéculations", a-t-il ajouté, martelant que sa cliente n'avait pas "participé aux meurtres" et que l'accusation était "lacunaire".

Après une demi-décennie d'audiences, du jamais vu dans l'histoire judiciaire contemporaine allemande, Beate Zschäpe semble donc viser l'acquittement au moins sur les principaux chefs d'accusations, les meurtres de huit immigrés turcs, un ressortissant grec et une policière allemande entre 2000 et 2007.

- Froid et calculateur -

Le parquet a déjà à l'inverse requis la peine la plus dure : la perpétuité assortie de circonstances aggravantes afin de pouvoir empêcher une sortie de prison au bout de quinze ans de détention comme c'est d'ordinaire le cas.

Lors du réquisitoire en septembre, le procureur Herbert Diemer avait qualifié Beate Zschäpe de personne "froide et calculatrice", dénuée de respect pour "la vie humaine".

Si quatre autres complices présumés sont sur le banc du tribunal de Munich, ceux-ci apparaissent comme des personnages subalternes, comme Ralf Wohlleben, accusé d'avoir fourni l'arme ayant servi à la plupart des meurtres. La question de la culpabilité de Mme Zschäpe est donc essentielle pour l'accusation et les parties civiles.

Mais deux absences pèsent sur les débats : celles des défunts Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt qui, avec la principale accusée, constituaient selon l'enquête le groupuscule de tueurs "Clandestinité national-socialiste" (NSU).

Les deux hommes sont morts en 2011 sans avoir été interrogés, alors que l'étau policier se resserrait. Les enquêteurs pensent à un double suicide ou un homicide suivi d'un suicide.

Dans l'une de ses très rares déclarations, lue par un avocat fin 2015, Mme Zschäpe a chargé les deux morts, admettant tout juste une responsabilité "morale" pour ne pas avoir su empêcher Mundlos et Böhnhardt de commettre leurs crimes.

Elle a aussi affirmé ne plus avoir de "sympathie pour l'idéologie nationale-socialiste".

Véritables routards du crime selon les enquêteurs, les membres de la NSU ont tué et braqué de Rostock dans le nord-est sur la côte de la Baltique, à la Bavière au sud, en passant par la cité rhénane de Dortmund.

Outre l'horreur des faits qui a choqué un pays encore profondément dans la pénitence pour son passé nazi, l'affaire s'est révélée aussi très embarrassante pour les autorités.

- Honte -

En effet, la piste xénophobe et néonazie n'a été que très tardivement explorée par les enquêteurs. Ceux-ci ont longtemps refusé de relier les différents assassinats, croyant à des règlements de compte intracommunautaires ou des affaires de droit commun.

La NSU a pu ainsi agir en toute impunité pendant des années. Ce qui terni l'image des services de renseignement intérieur qui étaient censés surveiller de près la mouvance néonazie en général et ce groupe en particulier.

En 2013, une commission d'enquête parlementaire a dénoncé "l'échec massif des autorités". Malgré certains éléments troublants, elle n'a toutefois pas pu établir de collusion entre les agents et le groupuscule d'extrême-droite.

Avec ce procès, la justice n'a pas non plus brillé par son efficacité.

Les autorités se sont aussi couvertes de honte en mars 2017, admettant avoir contaminé des éléments de preuve et établi du coup un lien erroné entre le groupe néonazi et le meurtre non élucidé d'une fillette en 2001.

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