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Migrants: des accusations d'abus aux frontières questionnent le rôle de Frontex

Elle n'a pas droit de regard sur les policiers locaux: Frontex, l'agence chargée de la surveillance des frontières extérieures européennes, se défend de tolérer des maltraitances sur les migrants. Mais son rôle sur le terrain interroge les ONG, qui verraient d'un bon oeil une réforme.

Plusieurs médias européens, dont le Guardian britannique et la chaîne allemande ARD, reprochent à l'agence de cautionner des actes commis par des garde-frontières bulgares, hongrois et grecs. Ces derniers auraient, par exemple, traqué des demandeurs d'asile avec des chiens ou les auraient refoulés sans ménagement, le tout sous l'oeil passif des agents de Frontex.

De son côté, l'agence européenne basée à Varsovie, qui rejette catégoriquement "toute implication" de ses agents dans une "violation des droits fondamentaux", souligne auprès de l'AFP qu'elle effectue "une mission de soutien auprès des agents des pays concernés" et qu'elle n'a "pas de droit de regard ou d'enquête" sur les agissements des autorités locales.

A ce jour, aucune plainte n'a jamais été déposée contre un de ses membres, affirme-t-elle.

Frontex compte 600 agents déployés en Grèce, 93 en Bulgarie et 13 en Hongrie, qui aident les forces locales dans le contrôle des frontières, la lutte contre les faux documents ou encore l'identification des voitures volées.

Sur le terrain, ces agents travaillent "en équipe" avec les garde-frontières locaux et peuvent interroger les migrants, mais aussi les "arrêter et les ramener dans des centres", précise une responsable.

Ces agents, environ 2.000 au total (plus 1.500 réservistes), ont l'obligation de rapporter toute violation des droits des migrants: c'est sur la base de ces rapports "compilés et portés à la connaissance des pays concernés" sur des faits commis par leurs fonctionnaires que les médias prêtent à Frontex une connivence sur des actes de maltraitance.

- "Protex" -

Selon un document interne à cet organe, qui a connu un rôle accru depuis la crise migratoire démarrée en 2015, des agents sont aussi directement impliqués dans l'expulsion de mineurs non accompagnés ou de demandeurs d'asile placés sous sédatifs durant leur expulsion, rapportent les médias.

"Pas étonnant", selon Pierre Henry, directeur de l'organisation France Terre d'asile (FTA): "Quand vous confiez à Frontex la mission de surveillance des frontières, vous ne lui confiez pas une mission de protection" et "les dérives peuvent arriver".

Dans son récent "manifeste pour l'avenir du droit d'asile en Europe", FTA en appelle à une réforme en profondeur.

Celle de l'agence est déjà lancée. Le parlement européen a approuvé en avril son renforcement en la dotant d'un corps de 10.000 garde-frontières et garde-côtes à l'horizon 2027.

A terme, elle devrait même soutenir "les procédures de retour dans les Etats membres, par exemple en identifiant les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier".

Sauf que, reprend Pierre Henry, s'il est "normal qu'il y ait un corps de surveillance, il doit y avoir aussi une force pour protéger les demandeurs d'asile". De fait, avec cette réforme, "il sera important de s'assurer que Frontex garantira le respect des droits fondamentaux". "Voilà pourquoi j'ai suggéré qu'à côté de Frontex soit constitué un corps spécialisé dans la protection des personnes: Protex".

A ce stade, les attributions de Frontex sont trop floues, abonde Corinne Torre, responsable nationale à Médecins Sans Frontières. "Cela fait des années que l'on demande le rôle de Frontex dans le détail, sur le terrain. Où commence leur mission ? Où s'arrête-t-elle ? On ne l'a jamais obtenu", regrette-t-elle.

L'agence cautionne-t-elle, en ne se retirant pas des pays concernés, les agissements des fonctionnaires locaux ?

"Protéger, ce n'est pas leur mission. Frontex est mandaté pour appliquer les textes européens", et ces textes sont conçus pour contenir la vague migratoire, déplore-t-elle.

Les agents de Frontex "devraient être des garde-fous", juge Mme Torre. "Mais dans les faits, ils ne le sont pas."

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