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Oleg Sentsov, cinéaste et symbole de l'opposition ukrainienne à la Russie

Le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, libéré samedi dans un échange de prisonniers après cinq années passées en prison en Russie et une grève de la faim de 145 jours, était devenu un symbole de la résistance ukrainienne à la Russie, où il purgeait une peine de 20 ans de camp pour "terrorisme".

Il a été remis samedi à l'Ukraine dans le cadre d'un échange historique de 70 prisonniers entre les deux pays.

Oleg Sentsov était un réalisateur ukrainien prometteur jusqu'à ce que son engagement politique lors du soulèvement pro-européen du Maïdan à Kiev à l'hiver 2014, puis l'annexion de la Crimée quelques semaines plus tard par Moscou ne bouleversent son destin.

Reconnu coupable par la justice russe de "terrorisme" et "trafic d'armes" en 2015 dans sa Crimée natale, à l'issue d'un procès dénoncé comme "stalinien" par l'ONG Amnesty International, M. Sentsov, 43 ans, était depuis détenu dans une prison du Grand nord russe.

En mai 2018, il entame une grève de la faim pour exiger la libération de tous les "prisonniers politiques" ukrainiens détenus en Russie.

Sans succès, malgré des discussions entre les présidents russe et ukrainien et de nombreuses marques de soutiens dans le monde.

Le 5 octobre, après 145 jours de jeûne qui l'auront terriblement affaibli selon ses proches, le cinéaste annonce l'arrêt de sa grève de la faim de peur d'être nourri de force. Selon sa cousine, Natalia Kaplan, sa santé a été "gravement éprouvée" par cette longue grève de la faim.

Mais la libération de M. Sentsov semblait jusqu'à présent plus improbable que jamais, alors que le réalisateur se refusait à demander une grâce présidentielle. Nombre de ses soutiens avaient perdu espoir.

- Opposant à Moscou -

De sa carrière de cinéaste, le public retient surtout son film "Gamer", tourné avec seulement 20.000 dollars de budget, qui raconte l'histoire d'un adolescent qui participe à des compétitions de jeux vidéo tout en faisant face à la vie quotidienne difficile dans un village d'Ukraine.

Un film issu de l'expérience personnelle d'Oleg Sentsov qui a consacré huit ans de sa vie aux compétitions de jeux vidéo et financé son film en travaillant en tant que gérant d'une salle de jeux à Simféropol, la capitale de la Crimée.

Tourné dans un style réaliste, "Gamer", montré dans de nombreux festivals européens, est récompensé à Rotterdam en 2012, ce qui permet au cinéaste de se lancer dans le tournage de son deuxième long-métrage.

Mais la préparation de "Rhino" est interrompue quand ce père de deux enfants décide de s'engager dans "Automaïdan", une des branches du mouvement pro-européen qui a conduit à la destitution du président ukrainien Viktor Ianoukovitch en février 2014.

Le réalisateur milite ensuite contre l'annexion de la Crimée par la Russie, se souvient Kostiantyn Reoutski, un militant ukrainien l'ayant côtoyé à cette époque.

"Oleg et ses camarades organisaient des rallyes automobiles en Crimée, avec des symboles et des drapeaux ukrainiens. Ils en accrochaient aussi aux murs (...) et ils ont continué de le faire après l'annexion, quand tout le monde était parti", a-t-il raconté à l'AFP en 2015.

"C'est une personne réfléchie, responsable et pleine d'initiative (...) Son but était de montrer que la Crimée n'était pas prorusse à 100%", a-t-il ajouté.

- Force de caractère -

Deux mois après l'annexion, dans la nuit du 10 au 11 mai, le réalisateur est arrêté chez lui, puis transféré à Moscou dans la prison de haute sécurité de Lefortovo.

Le cinéaste avait fait montre d'une force de caractère hors du commun, souvent souriant et parfois provocateur, au cours de son procès. Il était accusé d'avoir organisé des incendies criminels contre des permanences d'un parti pro-Kremlin et d'avoir planifié d'autres attaques, dont une visant une statue de Lénine à Simféropol.

"Il m'a fait penser à un malade du cancer persuadé qu'il vaincra la tumeur et qu'il vivra", avait raconté à l'AFP la journaliste et militante des droits de l'Homme Zoïa Svetova après l'avoir rencontré en août 2018 dans sa prison du Grand Nord russe.

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