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Pour cette survivante, née à Auschwitz, l'histoire des atrocités doit être racontée

Sa mère était si mal nourrie que les gardiens d'Auschwitz n'avaient pas remarqué qu'elle était enceinte.

"Cela ne se voyait pas beaucoup à trois mois, cela ne se voyait pas beaucoup non plus à neuf mois. J'étais si petite, je ne pesais qu'un kilo à la naissance", dit à l'AFP Angela Orosz Richt, née dans le camp d'extermination.

C'était le 21 décembre 1944, quelques semaines avant la libération du camp - et six mois après que les nazis eurent déporté sa mère de Hongrie vers ce camp situé en Pologne occupée, où plus de 1,1 million de personnes ont péri, pour la plupart des Juifs.

Cette femme de 75 ans, aujourd'hui arrière-grand-mère vivant à Montréal, est l'une des 200 survivants qui sont retournés à Auschwitz lundi pour une cérémonie marquant les 75 ans de la libération du camp.

La recrudescence des discours de haine et de la violence antisémites des deux côtés de l'Atlantique a réveillé en elle de vieilles craintes qu'elle pensait avoir dissipées une fois pour toutes.

Mais cela l'a également rendue plus déterminée que jamais à partager son incroyable histoire, à la fois comme une leçon et comme un avertissement.

-- "Elle m'a gardé cachée" --

Sa mère est arrivée à Auschwitz le 25 mai 1944 et a été envoyée dans une caserne où le médecin du camp, Josef Mengele, connu sous le nom de "l'Ange de la mort", multipliait les expériences médicales monstrueuses.

Malgré une grave malnutrition, elle arriva à terme - réussissant à dissimuler sa grossesse puis son bébé.

"Elle a utilisé tous les papiers qu'elle a pu trouver pour m'en envelopper. Elle m'a gardé cachée", indique Mme Orosz Richt, en passant devant la clôture de barbelés et les baraquements de briques rouges à l'intérieur du camp où sa vie a commencé.

"Sa plus grande peur était, quand elle devait aller dehors pour se rendre à la place d'appel, que les rats me mangent et qu'elle ne me retrouve plus à son retour", souligne-t-elle.

"C'est un miracle divin qu'elle ait réussi à m'allaiter, elle ne buvait que de l'eau et pourtant le lait sortait", dit Mme Orosz Richt.

-- "Parler plus fort" --

Les récentes attaques antisémites meurtrières, la montée des groupes de suprématistes blancs aux États-Unis et des partis d'extrême droite en Europe ont convaincu Mme Orosz Richt qu'il est plus important que jamais de partager son histoire.

En France, où se trouve aujourd'hui la plus grande communauté juive d'Europe, le nombre d'actes antisémites signalés à la police a augmenté de 74% en 2018 par rapport à l'année précédente.

"J'ai très peur pour mes petits-enfants. Je suis une arrière grand-mère, c'est pourquoi j'ai décidé de prendre la parole et de raconter l'histoire de ma mère; peut-être qu'ils en tireront quelques leçons", dit-elle.

"L'éducation est la chose la plus importante que nous ayons pour combattre cela" (l'antisémitisme).

"Nous devons raconter les histoires. Même si c'est pour qu'un seul enfant rentre un jour chez lui en disant: +Hé, l'Holocauste a bien eu lieu. J'ai parlé à une survivante, elle était là, elle est passée par là+. Si même un seul enfant rentre chez lui et dit ceci, nous avons gagné".

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