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Quand le théâtre ramène Milosevic au Kosovo

Slobodan Milosevic, considéré comme grandement responsable des guerres qui ont ensanglanté la Yougoslavie dans les années 1990, revient au Kosovo par le théâtre: un spectacle qui lui est consacré doit être donné mardi près de Pristina.

Mi-comédie musicale mi-théâtre contemporain, le "Slobodan Show" a été monté par la section serbe du théâtre national de Pristina, installée dans l'enclave serbe de Gracanica. La troupe y est exilée depuis juin 1999, quand les Serbes avaient fui Pristina après le retrait des forces de Belgrade, mettant un terme à l'ultime conflit dans l'ex-Yougoslavie.

"Milosevic nous a poussés dans cet enclos", dit Nenad Todorovic, metteur en scène de 45 ans.

Aux yeux de beaucoup, avant de s'y achever, c'est au Kosovo, alors province majoritairement albanaise de la Serbie, qu'a débuté le drame yougoslave. Dès 1987, Milosevic y avait semé les graines du nationalisme serbe.

Face aux revendications autonomistes des Kosovars albanais, celui qui était alors un haut responsable socialiste yougoslave, était allé enflammer les esprits de la minorité serbe et bâtir son image de protecteur de son peuple: "Personne n'a le droit de vous frapper!", avait-il lancé à la foule.

Selon les chiffres de Belgrade, un peu plus d'une décennie plus tard, 200.000 Serbes étaient contraints au départ.

- 'En découdre avec nos démons' -

"Avec cette pièce, nous voulions en découdre avec nos propres démons, avec une époque sans pitié pour nous", confie à l'AFP Nenad Todorovic, lors d'une répétition dans un théâtre de Belgrade. "Les autres peuples ont souffert de la politique de Milosevic. Nous en avons souffert encore plus", affirme Marko Grubic, 45 ans, auteur de la musique.

En Croatie (1991-95), en Bosnie (1992-95), puis au Kosovo (1998-99), les guerres de l'ère Milosevic ont fait plus de 130.000 morts. Dans l'ultime conflit, il y eut plus de 13.000 morts, en grande majorité kosovars albanais.

Avec son texte, la dramaturge Jelena Bogavac, 45 ans, explique avoir voulu ouvrir "un dialogue avec (la) crise d'identité" des Serbes, qui n'ont pas réussi à trouver "de consensus sur la culpabilité ou l'innocence de Milosevic".

Aux yeux de son peuple, Milosevic, mort en détention en 2006 alors qu'il devait être jugé à La Haye pour crimes contre l'humanité, reste une personnalité ambiguë, relève-t-elle: dictateur qui a convoqué les premières élections pluripartites de l'après-communisme; signataire des accords de paix de Dayton mais aussi "boucher des Balkans".

"Pour une partie des Serbes, il reste un héros. Je pense important que des artistes s'engagent dans cette entreprise de démystification pour lui enlever ses oripeaux de +Protecteur de la Serbie+", dit le dramaturge kosovar albanais Jeton Neziraj.

- 'Ne va pas au Kosovo!' -

"Ne va pas au Kosovo! Il ne m'a pas écoutée", se lamente en ouverture Ivana Kovacevic, l'actrice jouant Mira Markovic, influente épouse de Milosevic.

Vêtus de survêtements kitchs en vogue à l'époque, les acteurs racontent une époque d'isolement international. "Dans le silence de son cabinet, il affectionnait de créer le chaos à partir de l'ordre. C'était un bon communiste, mais un bien meilleur nationaliste", déclament les acteurs défilant en cercle.

Le texte s'appuie sur les discours et écrits de Milosevic ainsi que sur le journal de Markovic dont des extraits paraissaient régulièrement dans un hebdomadaire de Belgrade, annonciateurs de futures décisions de l'homme fort.

"Slobodan Milosevic aimait régner", "les voitures de luxe, les belles femmes ce n'était pas son truc, seul le jeu politique l'intéressait", dit Nenad Todorovic.

"C'est plus une pièce sur les années 1990 que sur lui", analyse Dejan Cicmilovic, 47 ans, qui incarne Milosevic. "Nous avons ouvert un placard d'où sortent subitement des squelettes", dit le metteur en scène Todorovic.

Milosevic a été évincé du pouvoir en 2000. Soupçonnée de corruption, Markovic vit exilée en Russie depuis 2003.

Belgrade refuse de reconnaître l'indépendance du Kosovo.

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