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Russie: l'opposition et des ONG dénoncent des milliers d'irrégularités

Electeurs transportés par autocars entiers par la police, observateurs menacés, bourrages d'urnes: l'opposition et des ONG ont dénoncé des milliers d'irrégularités, visant surtout à augmenter la participation dimanche en Russie à un scrutin présidentiel sans suspense remporté par Vladimir Poutine.

L'ONG Golos, spécialisée dans la surveillance des élections et qui dresse une carte des fraudes sur son site internet, faisait état vers 18H00 GMT de 2.709 cas d'irrégularités tels que du bourrage d'urnes, des cas de votes multiples ou des entraves au travail des observateurs.

Le mouvement du principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, qui affirme avoir dépêché plus de 33.000 observateurs dans les bureaux de vote, a rapporté des centaines de cas de fraudes, surtout à Moscou et dans sa région, à Saint-Pétersbourg et au Bachkortostan (1.200 km à l'est de Moscou).

Les observateurs du QG de campagne de Vladimir Poutine ont fait pour leur part état de 300 irrégularités.

Les irrégularités constatées "ont été relativement modestes", a estimé la présidente de la Commission électorale centrale, Ella Pamfilova, lors de l'annonce des résultats, en estimant que le scrutin a été transparent.

L'élection semblant jouée d'avance aux yeux de nombreux Russes, le Kremlin a tout fait pour s'assurer que la participation, seul véritable baromètre de ce scrutin, soit aussi forte que possible.

Les pressions ont été nombreuses pour inciter les électeurs à se rendre aux urnes. Golos s'est inquiétée d'informations faisant état de contraintes exercées par des employeurs ou universités forçant employés et étudiants à voter non pas près de leur domicile mais sur leur lieu de travail ou d'étude, "où l'on peut contrôler leur participation".

"Le patron de ma mère l'a appelée et il lui a dit d'aller voter. Si elle ne votait pas, il lui a dit que ça n'était pas la peine de revenir travailler", a raconté à l'AFP Moussavi R., 29 ans, qui vit au sud de Moscou.

Pour doper le taux de participation à Iakoutsk, dans l'Extrême-Orient russe, "on a promis aux électeurs des poulets" en échange de leur vote, a aussi rapporté Ivan Jdanov, juriste de l'équipe de M. Navalny.

Des coupons de réductions pour des produits alimentaires et des billets pour des concerts ont été distribués dans certains bureaux de vote, selon des témoignages diffusés sur les réseaux sociaux.

- Bulletins annulés -

Mais au-delà de ces incitations, des irrégularités et violations ont été constatées en de multiples endroits. "Les principales violations sont le bourrage d'urnes et le transport organisé d'électeurs", a déclaré M. Navalny lors d'une conférence de presse.

Des bus ont été affrétés par les autorités et par des entreprises pour amener les électeurs en groupes aux bureaux de vote dans plusieurs régions, notamment dans les régions sibériennes de Kemerovo et Krasnoïarsk, ainsi que dans le Caucase du nord, selon les observateurs dépêchés par l'opposant.

Les dirigeants de ces régions "ont besoin" de montrer un "taux de participation" satisfaisant au Kremlin, a-t-il assuré, ironisant sur le fait que "la majorité des électeurs russes sont venus voter à 08H00 du matin".

"Toute personne normale aura du mal à croire que c'est une élection normale", a estimé l'opposant.

Dans un bureau de vote de Grozny, en Tchétchénie, "les chiffres officiels (de participation) donnés par la commission électorale sont trois fois supérieurs à ceux des observateurs indépendants", signale aussi l'ONG Golos.

"Dans certaines régions, les observateurs donnent un taux de participation qui est 10% plus faible" que celui donné par la Commission électorale centrale, a indiqué également à l'AFP M. Jdanov.

Selon des vidéos filmées et diffusées par les observateurs de Golos, des bourrages d'urnes ont eu lieu dans plusieurs endroits du pays, comme à Lioubertsi, à quelques kilomètres à l'est de Moscou.

Ce dernier cas a été confirmé par la Commission électorale, selon l'une de ses responsables citées par l'agence Interfax, et les bulletins ont été annulés.

Alexeï Navalny, ainsi que plusieurs sites indépendants, ont aussi diffusé de nombreuses images d'exemples présentés comme des violations ou des pressions sur les électeurs, sans qu'il soit possible de les vérifier.

Les observateurs ont également dénoncé des entraves à leur travail, notamment en Tchétchénie où certains ont été "menacés physiquement" selon l'ONG OVD-Info.

Au Daguestan, dans le Caucase du Nord, David Stépachvili, chargé de surveiller un bureau de vote à Makhatchkala, a raconté à l'AFP avoir "été frappé et jeté dehors" par une cinquantaine d'hommes.

D'autres observateurs ont été empêchés d'accéder aux bureaux de vote, notamment à Oufa (Bachkortostan), Kémérovo (Sibérie) et à Krasnodar (sud), selon Ivan Jdanov.

"Pour l'instant, nous n'avons pas eu une seule plainte d'un candidat dont les observateurs n'auraient pas eu accès" aux bureaux de vote, a assuré Mme Pamfilova.

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