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Stefan Löfven, l'ex-métallo pris dans la tourmente migratoire

Le premier ministre suédois Stefan Löfven n'a jamais paru aussi isolé, critiqué par la droite pour avoir laissé grand ouvertes les portes du pays aux demandeurs d'asile, étrillé sur sa gauche pour les avoir aussitôt refermées.

Orfèvre du consensus pour les uns, apparatchik terne et sans vision pour les autres, il est souvent fait le reproche à Stefan Löfven de changer de cap, et de faire le grand écart entre la gauche de la gauche et le centre dans la perspective des tractations qui s'ouvriront au lendemain des législatives du 9 septembre.

Un scrutin que les sociaux-démocrates abordent en tête dans les sondages, mais fortement diminués, devant les Modérés (conservateurs) et les Démocrates de Suède (extrême droite) qui pourraient devenir le deuxième parti du pays.

A 61 ans, Stefan Löfven, dont le parcours n'est pas sans rappeler celui du Premier ministre français Pierre Bérégovoy (1992-1993), ouvrier comme lui, va au devant du plus grand défi de sa carrière politique: maintenir au pouvoir un des derniers gouvernements de centre-gauche en Europe.

Né à Stockholm d'une mère célibataire qui n'avait pas les moyens de s'occuper de lui, Stefan Löfven a grandi à Sollefteå, à 500 kilomètres au nord de la capitale, dans une famille d'accueil dont le père était ouvrier.

Devenu soudeur, il s'engage pour la première fois dans la vie syndicale au début des années 1980 au sein de l'usine d'armement où il travaille, une vocation qui l'amènera à prendre les commandes du syndicat de la métallurgie Metall entre 2006 et 2012.

"On me décrit parfois comme un socialo de droite parce que je pense que l'industrie est importante. Je trouve ça très bizarre", répond le sexagénaire à la carrure et au nez de boxeur à ceux qui l'accusent de tourner le dos à sa base.

- Virage migratoire -

Figure de la social-démocratie, l'écrivain Göran Greider, rédacteur en chef du quotidien régional Dala-Demokraten, déplore que, pour des raisons de stratégie politique, "Löfven refuse d'utiliser un concept comme le Socialisme démocratique".

"C'est vague, mais ça aurait un effet mobilisateur sur les masses de sociaux-démocrates et de syndicalistes résignés", note-t-il dans son journal.

Malgré ces dissensions internes, "Stefan Löfven est parvenu à maintenir l'unité du parti, son leadership n'est pas contesté", nuance pour l'AFP Ulf Bjereld, politologue à l'université de Göteborg et proche du Parti social-démocrate.

Löfven a néanmoins perdu des points dans son propre camp en fermant les robinets de l'immigration fin 2015 après l'arrivée de plus de 240.000 demandeurs d'asile depuis 2014.

Le 24 novembre 2015, il annonce que la Suède aligne sa politique d'accueil sur les minimas de l'Union européenne, restreignant notamment les conditions du regroupement familial.

"Il m'est pénible de constater que la Suède ne peut plus accueillir de demandeurs d'asile dans les mêmes proportions élevées qu'aujourd'hui", défend-il au cours d'une conférence de presse aux côtés de sa vice-Première ministre écologiste, Asa Romson, en larmes.

"Mon Europe n'érige pas de murs, nous tendons la main quand la situation l'exige", déclarait-il deux mois plus tôt...

"Même Angela Merkel en Allemagne a dû faire volte-face sur l'immigration. Mais aucun dirigeant en Europe n'a amorcé un virage aussi brutal que Stefan Löfven", ironisait en mai le quotidien de référence Dagens Nyheter (DN).

- "Authentique" -

Pour gommer l'étiquette de "naïveté" et d'"irresponsabilité" que lui collent ses adversaires sur les dossiers de l'immigration et de l'intégration, il a multiplié les déclarations d'autorité pendant la campagne des législatives en rappelant "leurs droits et devoirs" aux étrangers accueillis en Suède.

Et il fait sien l'impératif de faire respecter "la loi et l'ordre" quand on l'interroge sur les règlements de compte ou les voitures incendiées dans les quartiers sensibles.

Piètre orateur, il apparaît néanmoins "authentique" et selon un sondage Skop une majorité de Suédois préférait être assis à sa table pour dîner plutôt qu'à celle du dirigeant conservateur Ulf Kristersson.

Une bonhommie et simplicité qu'il vendait récemment avec sa femme Ulla, photos à l'appui, dans les pages d'un magazine people et une émission de TV.

S'il obtenait un second mandat, Stefan Löfven, après avoir bénéficié de vents économiques favorables entre 2014 et 2018, serait vraisemblablement confronté à une décélération de la conjoncture internationale et nationale.

Avec le risque de "devoir remettre son poste en jeu" en cours de législature, prévient l'ancien chef de gouvernement social-démocrate Göran Persson.

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