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Syrie: près de 80 rebelles pro-turcs tués dans des frappes imputées à Moscou

Près de 80 rebelles syriens affiliés à la Turquie ont été tués lundi dans des frappes attribuées à la Russie contre leur camp d'entraînement à Idleb en Syrie, l'escalade la plus meurtrière dans cette région depuis huit mois.

Dans la guerre complexe en Syrie, la Russie aide militairement le régime de Bachar al-Assad et la Turquie soutient des groupes rebelles dans la province d'Idleb (nord-ouest), ultime grand bastion jihadiste et rebelle.

A Idleb, les deux puissances étrangères ont négocié plusieurs cessez-le-feu et une trêve tient depuis mars en dépit d'affrontements sporadiques.

Les frappes aériennes, attribuées à Moscou par un responsable rebelle et l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), ont visé un camp d'entraînement de Faylaq al-Cham, un des principaux groupes de rebelles syriens soutenus par la Turquie voisine.

Elles ont tué "78 combattants" et blessé une centaine dans la région de Jabal al-Douayli, tout près de la frontière turque, selon le directeur de l'Observatoire, Rami Abdel Rahmane. Certains blessés sont "dans un état critique" et le bilan pourrait s'alourdir.

Dans la ville d'Idleb, des dizaines de personnes ont participé aux funérailles, avec une prière collective devant des cercueils alignés.

"Le bilan est le plus lourd depuis l'entrée en vigueur de la trêve" à Idleb, a indiqué M. Abdel Rahmane. Des dizaines de combattants se trouvaient dans le camp au moment des frappes.

Dans un communiqué, le Front de libération nationale, coalition de groupes rebelles affiliés à Ankara dont fait partie Faylaq al-Cham, a reconnu la mort d'un "grand nombre" de ses membres, dénonçant un "crime odieux, qui fait partie intégrante de la série de crimes russes" et promettant des représailles.

- "Risque élevé" -

Pour l'analyste Nicholas Heras, la Russie envoie un "message" à la Turquie, les deux pays soutenant également des camps rivaux en Libye et au Nagorny-Karabakh.

Elle montre qu'elle "peut frapper les supplétifs syriens (d'Ankara) autant qu'elle le souhaite, si la Turquie n'engage pas une désescalade des activités militaires allant à l'encontre des intérêts russes en Libye, en Syrie et dans le Nagorny-Karabakh", a-t-il dit.

Des combattants de Faylaq al-Cham ont rejoint des centaines d'insurgés syriens envoyés en Libye, plongée dans le chaos, et plus récemment au Nagorny-Karabakh où un conflit oppose l'Arménie à l'Azerbaïdjan.

"La Turquie étant actuellement préoccupée par le Nagorny-Karabakh, elle pourrait ne pas riposter immédiatement, ce qui permettrait de prévenir une nouvelle escalade à Idleb", estime pour sa part Samuel Ramani, chercheur à l'Université d'Oxford.

"Mais le risque reste élevé, les deux parties étant fondamentalement en désaccord sur l'avenir de la région", ajoute-t-il.

Environ la moitié de la région d'Idleb est sous contrôle des jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda présente également dans des territoires adjacents, dans les provinces voisines de Lattaquié, Hama et Alep.

Lundi, HTS a déploré "un massacre" contre "nos frères de Faylaq al-Cham" et le "peuple syrien".

La trêve décrétée en mars avait stoppé une énième offensive du régime qui, accompagnée de frappes quasi-quotidiennes des aviations syrienne et russe, a coûté la vie à plus de 500 civils, selon l'OSDH.

Elle avait déplacé près d'un million d'habitants, installés essentiellement depuis dans des camps informels à la frontière avec la Turquie. Parmi eux, près de 235.000 personnes ont fait le choix du retour, profitant de la trêve, selon l'ONU.

- Au point mort -

L'offensive d'Idleb était alors le principal front de la guerre en Syrie, le régime, aidé militairement par la Russie, l'Iran et le Hezbollah libanais, ayant réussi à reprendre le contrôle de plus de 70% du territoire.

Déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, le conflit s'est complexifié au fil des ans avec l'implication de puissances étrangères et de groupes jihadistes.

La guerre a fait plus de 380.000 morts et poussé à la fuite plusieurs millions de personnes.

Mais les négociations de paix entre régime et opposition, sous l'égide de l'ONU, sont au point mort.

L'envoyé spécial de l'ONU Geir Pedersen a rencontré dimanche à Damas le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem.

Il a espéré "trouver un terrain d'entente sur comment faire avancer le processus" politique, pour mettre fin au conflit.

Le responsable onusien enchaîne les rencontres avec le régime, mais aussi avec des figures de l'opposition et des responsables à Moscou ou Ankara, sans succès jusqu'à présent.

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