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Trois destins face aux horreurs de la guerre, dans "Paradise" de Konchalovsky

Le réalisateur russe Andreï Konchalovsky a proposé jeudi à Venise, dans son film "Paradise", une réflexion personnelle et insolite sur trois destins croisés confrontés aux horreurs de la guerre et des camps de concentration.

"Le problème de celui qui fait le mal, c'est qu'il pense souvent faire quelque chose de juste", a déclaré Andreï Konchalovsky en conférence de presse.

"Aujourd'hui, je pense à Savonarole, à la Seconde Guerre mondiale, aux bombardements en Iran, en Serbie, en Libye. Tout cela est sans fin parce ceux qui commettent ces actes estiment être dans le vrai", a ajouté le cinéaste de 79 ans.

Déjà présent à la Mostra en 1965 avec "Le Premier Maître", il a été ensuite primé à deux reprises dans la Cité des Doges avec un Grand Prix pour "La Maison des fous" (2002) et avec un Grand Prix du meilleur réalisateur pour "The Postman's White Nights" (Les nuits blanches du facteur, 2014).

En course cette année pour le Lion d'or, son film tourné en noir et blanc, raconte l'histoire de trois personnages: Olga, une aristocrate russe engagée dans la Résistance française (Yuliya Vysotskaya), Jules, un collaborateur français (le Français Philippe Duquesne) et Helmut, un officier allemand de haut rang (Christian Clauss).

Certains veulent sauver des vies, d'autres veulent les condamner.

Grâce à une mise en scène originale, Konchalovsky fait alterner des scènes de leur vie à la fin de la guerre, avec des entretiens de chacun d'eux depuis un hypothétique paradis, d'où ils évoquent, face à la caméra, les événements qui les ont conduits à la mort.

- Un avertissement -

Dans une longue première partie, on voit Olga arrêtée par la police française pour avoir caché des enfants juifs. A la prison où elle est incarcérée, elle rencontre Jules, un fonctionnaire français chargé de la faire parler.

Prête à tout pour éviter la torture, Olga propose ses faveurs à Jules qui finit par céder aux charmes de la "belle comtesse". Mais les espoirs d'Olga s'évanouissent rapidement et elle est envoyée dans un camp de concentration.

A ce point du film, le spectateur est encore dans le flou, Andreï Konchalovsky laissant planer le doute sur la direction qu'il veut donner à son histoire.

Dans la seconde partie, il plonge les spectateurs dans l'enfer du camp, où les scènes dures et violentes ne manquent pas.

La route d'Olga croise celle d'Helmut, un officier SS de haut rang autrefois follement amoureux d'elle. Entre eux, la passion se rallume et Helmut propose à Olga de la faire évader.

Mais là encore, la désillusion est au rendez-vous. La défaite du régime nazi qui se profile à l'horizon va modifier une nouvelle fois la trajectoire de la vie d'Olga.

Pour Andreï Konchalovsky, une pensée du philosophe allemand Karl Jaspers en 1946 éclaire le film: "Ce qui est arrivé constitue un avertissement (...). Cela a pu arriver et peut encore arriver à tout moment. Ce n'est qu'en connaissant le passé qu'on peut l'empêcher de se reproduire".

"L'holocauste a été tellement banalisé qu'aujourd'hui un jeune qui voit 200 personnes en pyjama à rayures ressent la même chose que lorsque moi je regarde une représentation de +Nabucco+", l'opéra de Verdi évoquant l'épisode biblique de l'esclavage des juifs à Babylone, a expliqué le réalisateur russe.

"Je voulais me détacher de cela pour parler surtout de la méchanceté de la nature humaine, qui est éternelle et se régénère tous les jours", a conclu le cinéaste.

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