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Réforme du droit d'asile: l'UE toujours dans l'impasse

Les pays de l'UE ont reconnu mardi être encore loin d'un accord pour débloquer la réforme enlisée depuis deux ans du système d'asile européen, dans un climat politique alourdi par l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement populiste en Italie.

Les ministres de l'Intérieur européens, réunis à Luxembourg, ont acté les profonds clivages qui continuent de les diviser, malgré une proposition de compromis mise sur la table par la présidence bulgare de l'UE.

"Trouver un compromis sera difficile mais je suis fermement convaincu que nous sommes sur la bonne voie", a déclaré à l'issue de la rencontre le ministre bulgare Valentin Radev, espérant que les dirigeants des pays européens prendront "la décision la plus sage possible" fin juin.

Mais une percée semble improbable lors du sommet européen des 28 et 29 juin, qui avait pourtant été présenté comme crucial pour débloquer la réforme du Règlement de Dublin, la législation qui désigne quel pays est responsable d'une demande d'asile, devenu obsolète de l'avis général.

Une éventuelle répartition des demandeurs d'asile dans l'UE depuis leurs pays d'arrivée comme l'Italie et la Grèce, débordées par l'afflux massif de 2015, reste la principale pomme de discorde. Plusieurs pays de l'Est, Pologne et Hongrie en tête, s'opposent toujours catégoriquement à ce type de mesures, comme ils avaient rejeté les quotas d'accueil qui ont déchiré l'UE de 2015 à 2017.

L'Italie demande "avec force le dépassement du Règlement de Dublin", qui confie principalement la charge de l'asile aux pays de première entrée, a déclaré depuis Rome le nouveau chef du gouvernement italien Giuseppe Conte, réclamant "un système automatique de répartition obligatoire des demandeurs d'asile".

- La réforme est 'morte' -

Son ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini (extrême droite) n'a pas fait le déplacement à Luxembourg, mais il a prévenu dimanche que l'Italie ne pouvait pas être "le camp de réfugiés de l'Europe", manifestant son hostilité face à l'état actuel des discussions.

"Il ne faut jamais jeter l'éponge avant la fin d'une négociation, mais on peut quand même dire que nous sommes très loin les uns des autres", a admis la ministre suédoise aux Migrations Hélène Fritzon, constatant "un climat politique plus dur" avec les progrès électoraux de l'extrême droite en Europe.

La réforme de l'asile "est morte", est allé jusqu'à lancer de son côté le secrétaire d'Etat belge à la Migration Theo Francken, une déclaration qualifiée de "contre-productive" par le commissaire européen aux Migrations, Dimitris Avramopoulos.

"Même le gouvernement allemand critique des points spécifiques de l'état actuel de la négociation", a souligné le secrétaire d'Etat allemand Stephan Mayer, jugeant "inacceptable" à ce stade le compromis préparé par la présidence bulgare.

Ce texte contient bien des mesures de répartition des demandeurs d'asile dans l'UE. Et ce malgré l'opposition frontale de Varsovie et Budapest, qui jugent intolérable d'être obligés d'accueillir des étrangers et soulignent que les quotas controversés instaurés en 2015 pour deux ans n'ont abouti qu'à moins d'un quart des 160.000 "relocalisations" visées au départ.

Mais ces "relocalisations" obligatoires n'interviendraient qu'en dernier recours avec un vote des Etats membres, si de premières mesures de soutien financier et technique, déclenchées automatiquement en période de crise, ne suffisaient pas.

- 'Adaptations' -

Cela reste trop pour les pays du Groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie), soutenus par Vienne. Et pas assez pour les pays du Sud, qui réclament, à l'instar du Parlement européen, que l'accueil soit partagé de manière permanente et pas seulement en période de crise.

L'Allemagne défend sur ce point comme la France une position proche de celle de la Commission: la responsabilité d'une demande d'asile devrait rester principalement celle des pays de première entrée, sauf en période de crise, où il devrait y avoir des "relocalisations" obligatoires.

Le compromis proposé par la Bulgarie durcit par ailleurs les contraintes des pays d'arrivée. Une fois fixée, la responsabilité du traitement d'une demande d'asile resterait valable par exemple pendant huit ans, une durée jugée trop longue par les pays du Sud et trop courte par d'autres, dont l'Allemagne.

Selon une source diplomatique, l'Autriche, qui assumera à partir de juillet la présidence tournante de l'UE, a déjà annoncé qu'elle ferait de nouvelles propositions de réforme "en rupture" avec celles discutées jusque-là.

"La dynamique, maintenant, ça ne peut être que des volontés fortes de certains pays pour faire avancer la machine", a estimé la ministre française Jacqueline Gourault, plaidant pour "des adaptations" qui permettraient de convaincre les pays les plus réticents d'accepter la réforme.

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