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Von der Leyen, une fidèle de Merkel à l'image écornée en Allemagne

Europhile, polyglotte, Ursula von der Leyen, devenue mardi la première femme élue présidente de la Commission européenne, est une proche de la chancelière allemande Angela Merkel dont l'étoile avait pâli ces dernières années dans son pays.

Seule personnalité à avoir siégé dans les quatre gouvernements de la chancelière (2005-2019), adoubée par le président français Emmanuel Macron, cette mère de sept enfants âgée de 60 ans a remporté son pari en obtenant de justesse la confiance du Parlement européen.

Elle devient ainsi la première femme à la tête de l'exécutif européen et la première Allemande à ce poste depuis Walter Hallstein, entre 1958 et 1967.

Parlant anglais et français couramment, cette démocrate-chrétienne allemande connaît bien Bruxelles: née le 8 octobre 1958 à Ixelles, elle a passé, comme ses six frères et soeurs, une partie de son enfance dans la capitale belge, avant que son père, Ernst Albrecht, devienne Premier ministre de Basse-Saxe (nord de l'Allemagne).

Malgré ces atouts, recueillir 383 voix, soit neuf de plus que la majorité nécessaire pour diriger les cinq prochaines années la Commission, était loin d'être gagné.

- "Inappropriée" -

Au sein de toutes les familles politiques européennes, l'idée de choisir une personnalité qui n'était même pas candidate aux élections européennes a été perçue comme une remise en cause de l'objectif de démocratisation de l'Union européenne.

Les auditions menées ces derniers jours dans les arcanes européens par Mme von der Leyen, convertie de très fraîche date aux réseaux sociaux et assistée pour sa communication d'un ancien rédacteur en chef du quotidien populaire Bild, n'avaient pas permis de lever tous les doutes de ses détracteurs.

"Son problème, c'est que son nom a été suggéré il y a quelques jours et qu'elle n'a pas eu assez de temps pour présenter un bon programme", estime Daniel Goffart, co-auteur d'une biographie de la ministre.

Les sociaux-démocrates, qui siègent pourtant à ses côtés au sein du gouvernement Merkel, avaient ainsi diffusé auprès des eurodéputés un document intitulé "Pourquoi Ursula von der Leyen est une candidate inadéquate et inappropriée".

Le texte égrenait tous les griefs accumulés ces dernières années contre Mme von der Leyen, médecin de formation.

Entrée tardivement en politique, elle avait pourtant jusqu'à dernièrement emprunté une spectaculaire trajectoire.

Ce n'est en effet qu'en 2002, après avoir vécu plusieurs années en Californie, où son mari enseignait, qu'elle se lance pour un mandat local dans la région de Hanovre (nord de l'Allemagne).

Trois ans plus tard, elle devient ministre de la Famille et prend des mesures progressistes, comme le développement des crèches ou un congé parental rémunéré destiné aux pères.

Celle qui est surnommée par ses proches "Petite rose" n'hésite pas à étaler sa vie privée dans les magazines people avec ses enfants, son mari et leur poney.

"Sa faiblesse est qu'elle a tendance à trop mettre les choses en scène", ajoute Daniel Goffart, en référence à ses multiples sorties aux côtés des militaires face aux caméras depuis qu'elle est à la Défense.

Nommée ministre du Travail en 2009, Mme von der Leyen prend là aussi à rebrousse-poil l'électorat conservateur en plaidant pour des quotas de femmes au sein des directions d'entreprises.

- Soupçons de plagiat -

C'est à partir de 2013, à la Défense, que les choses se gâtent.

Première femme à occuper ce poste, prestigieux mais délicat dans une Allemagne toujours hantée par la Deuxième guerre mondiale, Ursula von der Leyen bouscule l'institution.

Elle impose par exemple la fin de la tradition des honneurs faits à des officiers ayant servi Hitler.

Tenace, voire cassante selon ses détracteurs, sa personnalité se fond difficilement dans le monde très masculin de l'armée, qu'elle agace aussi en dénonçant la "faiblesse" de certains officiers.

La ministre est aussi soupçonnée un temps en 2015 de plagiat de son doctorat, un sujet très sensible en Allemagne qui a causé la chute de plusieurs responsables politiques.

Une série de scandales ont en outre éclaboussé la Bundeswehr et son ministère ces dernières années: matériel obsolète, sous-investissements, consultants surpayés, influence de l'extrême droite... Au point qu'elle est désormais perçue, selon les sondages, comme l'une des deux ministres les moins compétents.

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