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XV d'Italie: Ian McKinley, "le mec aux lunettes", bientôt international

"Sa vie vaudrait un film", assure le sélectionneur du XV d'Italie Conor O'Shea. Sept ans après avoir perdu l'usage d'un oeil et cinq ans après une retraite qu'il pensait définitive, Ian McKinley devrait faire ses débuts internationaux samedi avec l'Italie.

A Catane, face aux Fidji, McKinley, 27 ans, commencera sur le banc. Mais si son compatriote irlandais O'Shea le lance en relais de Carlo Canna au poste d'ouvreur, il deviendra le premier rugbyman à jouer au niveau international avec des lunettes de protection.

"Au début, les gens m'appelaient +le mec aux lunettes+, mais je suis content de voir que c'est moins le cas et qu'on commence à m'appeler Ian", a raconté McKinley à l'AFP. "Je porte ces lunettes et je suis l'un des premiers joueurs à le faire. Mais je veux être considéré comme un joueur normal, qui veut faire le maximum pour l'Italie."

Mais pour O'Shea, l'histoire de McKinley en fait un joueur tout de même un peu différent.

"Il y a des gens qui renversent les pronostics. Mais là, ça va au-delà. Entrer sur un terrain de rugby après ce qu'il a traversé et jouer aussi bien, c'est une immense réussite. Je n'ai aucun doute sur le fait que sa blessure a empêché qu'il fasse carrière avec l'Irlande", déclarait-il en octobre à une radio irlandaise.

Ce qu'a traversé McKinley, c'est passer d'une prometteuse carrière avec le Leinster et l'Irlande, avec laquelle il a été international U20, à une retraite anticipée à 22 ans après la perte de l'usage de son oeil gauche.

- 'Rien à perdre' -

"Je jouais un match à Dublin. J'étais derrière un ruck et un crampon d'un équipier est entré dans mon oeil. J'ai été opéré la nuit même. Ensuite, je suis rentré à la maison. Je suis resté assis avec mon bandeau et j'ai à peine bougé pendant un mois", raconte-t-il.

Malgré une vision diminuée de 50%, le natif de Dublin a pourtant repris le rugby plus vite que prévu. Mais une cataracte puis un décollement de la rétine l'ont obligé à de nouvelles opérations, puis à une retraite anticipée en 2012.

Le début de sa vie italienne se fait alors à Udine, à l'extrême nord-est du pays, où on lui a proposé d'entraîner l'équipe locale. "J'avais le sentiment de n'avoir plus rien à perdre. J'étais de plus en plus frustré à Dublin, avec tous mes souvenirs de joueur, et je savais qu'un changement était la meilleure chose possible", se souvient-il.

Mais en parallèle de son activité de coach, McKinley participe au développement d'un prototype de lunettes de protection, finalement fabriquées par la firme italienne Raleri.

Quand la fédération italienne autorise le port de ces lunettes en 2014, McKinley remet les crampons, d'abord en amateur, en 3e division italienne.

- Comme un protège-dents -

Gaucher et privé de son oeil gauche, l'Irlandais doit réapprendre des gestes de rugbyman, corriger des positionnements et des angles de frappe.

Mais petit à petit, le niveau s'élève: deux ans avec Viadana en Eccellenza, le championnat d'Italie, puis quelques matches avec le Zebre Rugby, l'une des deux franchises italiennes engagées dans les compétitions européennes.

Et depuis la saison dernière, McKinley est redevenu un joueur de haut niveau, ouvreur titulaire du Benetton Trévise, l'autre franchise. Il a appris à oublier ses lunettes.

"Si je n'avais pas confiance, je n'entrerais pas sur le terrain. Il faut juste s'habituer aux lunettes, comme au protège-dents ou à n'importe quel équipement", assure-t-il.

Samedi à Catane, il aura probablement l'occasion de prouver que "le mec aux lunettes" est effectivement redevenu un joueur comme les autres. Et de remercier l'Italie qui lui a donné cette possibilité.

"L'Italie est ma maison. Je lui dois tout et pouvoir la représenter est un immense honneur", assure-t-il.

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