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XV de France: le miroir anglais

Une sélection érigée depuis des années en priorité absolue, travaillant dans la continuité et composée de plusieurs joueurs de classe mondiale, mieux préparés: l'Angleterre, 2e nation mondiale, renvoie au XV de France le reflet de ses manques pour rivaliser au très haut niveau international.

Radiographie non exhaustive avant le "Crunch" entre les deux équipes, samedi au Stade de France dans le Tournoi des six nations.

+ Des réformes faites "il y a 10 ans"

Pendant que trois joueurs anglais seulement étaient libérés pour disputer la journée de championnat le week-end passé, douze Français étaient présents sur les pelouses de Top 14 en même temps. Dont Paul Gabrillagues et Rémy Grosso, qui ont joué 80 minutes dimanche après avoir déjà disputé l'intégralité de la rencontre face à l'Italie (34-17) une semaine plus tôt.

Gabrillagues et Grosso ne sont en effet pas membres de la "Liste Elite" de 45 internationaux pouvant être mis réglementairement au repos par Jacques Brunel, selon l'avenant à la convention signé l'été passé entre la Ligue (LNR) et la Fédération (FFR).

Après le fiasco de la Coupe du monde 2015, et encore davantage après l'élection de Bernard Laporte à la tête de la FFR en décembre 2016, les deux instances qui gèrent le rugby français ont certes réussi à s'entendre pour augmenter la mise à disposition des internationaux afin d'améliorer la compétitivité du XV de France.

Mais, des trous dans le tamis français demeurent, comme le montre l'exemple de Gabrillagues et Grosso. Et, souligne auprès de l'AFP Philippe Saint-André, ancien sélectionneur des Bleus (2012-2015) aujourd'hui consultant pour RMC Sport, "les Anglais, grâce à la manne financière de Twickenham (leur stade, qui leur appartient, NDLR), ont fait il y a 10 ans ces réformes qu'on a faites il y a six mois!". Ils en ont récolté les fruits avant.

+ Un championnat moins chronophage

Ils possèdent également encore un temps d'avance: par exemple, Eddie Jones dispose de 36 joueurs les semaines d'avant-match contre 31 pour Brunel.

Surtout, si les internationaux disposent peu ou prou de la même période sans match à l'intersaison (10 semaines), les Anglais sont avantagés par leur championnat (12 clubs contre 14 en France), qui compte quatre journées de saison régulière et une de phase finale en moins. "Le problème du Top 14, c'est surtout sa longueur: tu commences en août et tu finis en juin", note Saint-André.

Quand la Premiership ferme fin mai (sept jours avant la France), ce qui permet à Jones de bénéficier d'une semaine de préparation en plus en vue des tournées estivales, pour recommencer début septembre (deux semaines après). Cette reprise plus tardive permet aux internationaux d'effectuer un travail foncier plus poussé, bénéfique pour l'ensemble de la saison.

Et là encore, les Anglais risquent de conserver leur avance: s'il existe un débat en France pour passer d'un Top 14 à un Top 12, il est envisagé outre-Manche de se diriger vers un championnat à dix clubs...

+ Stabilité et qualité

Camille Lopez, ouvreur N.1 des Bleus, se serait-il blessé avant les tests d'automne s'il avait moins tiré sur la corde les précédentes saisons? Possible. Comme celle de Lopez, les nombreuses blessures qui ont frappé les internationaux sont une des raisons qui ont empêché les sélectionneurs français de travailler dans la continuité, à l'inverse de Jones.

Qui a par exemple dès sa prise de fonctions, début 2016, misé sur quatre joueurs à la charnière, chargée d'animer le jeu (Ford, Farrell, Care et B. Youngs), quand Guy Novès puis Brunel ont utilisé onze paires de demis différentes, par contrainte ou par choix.

Mais le manque d'automatismes n'explique pas à lui seul le marasme sportif dans lequel est plongé le XV de France: les Bleus possèdent-ils encore des joueurs de classe internationale? De l'équipe actuelle, seul (peut-être) le capitaine Guilhem Guirado aurait sa place sur la feuille de match d'un XV mondial. Quand les Anglais pourraient placer sans problèmes Farrell, Maro Itoje et Billy Vunipola, voire Ben Youngs, Mike Brown, Jonathan Joseph ou Anthony Watson.

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