Accueil Actu

"Ça sonnait à midi, j'ouvrais la porte": jugé pour son rôle de "nourrice" dans un juteux trafic de stupéfiants en France

Il ouvre sa porte à midi aux dealers et se fait rémunérer avec "un billet posé sur la table et un pochon de cannabis". C'est une "nourrice" et mercredi ce prévenu a expliqué au tribunal de Bobigny son rôle dans un juteux trafic de stupéfiants en Seine-Saint-Denis. C'est au 86 et 92 avenue de Michelet à Saint-Ouen que prospérait ce trafic de cannabis et de cocaïne.

Entre les 20 décembre 2020 et 23 janvier 2021, les enquêteurs ont estimé le chiffre d'affaires de ce point de vente à 1,4 million d'euros. Une recette journalière évaluée entre 15.000 et 28.000 euros, les bons jours.

Trente-deux personnes sont jugées devant le tribunal correctionnel de Bobigny après le démantèlement en 2021 d'un des plus gros points de vente de drogues d'Ile-de-France.

Des mis en examen qui viennent d'horizons différents

Comme pour un ordinaire commerce, l'affluence dépendait de la plage horaire. Entre 9H30 et midi, on pouvait compter 50 clients et 300 transactions pour la tranche 14H00-16H00.

Ce procès hors normes pour du trafic de stupéfiants va durer un mois et se tient dans une salle normalement réservée aux procès d'assises pour permettre aux 32 prévenus dont 11 sont incarcérés et autant d'avocats d'y prendre place.

Les mis en examen, âgés de 18 à 58 ans, viennent de différents horizons: chef d'entreprise, informaticien, assistante-sociale, chauffeur-livreur, agent de sécurité à la SNCF, collecteur de dons dans une ONG...Ils ont été interpellés en deux temps : en juin 2020 puis en janvier 2021.

Entre ces deux périodes, le point deal s'est très vite restructuré pour recommencer à fonctionner avec une nouvelle équipe. L'enquête a mis en lumière une structure organisée telle une PME où chacun a un rôle et des tâches définies: tenir les comptes, réapprovisionner la drogue dans le point de deal ou bien faire de la promotion sur les réseaux sociaux.

Les stupéfiants étaient stockés et conditionnés dans un appartement au sein même de l'immeuble où se déroulait le trafic.

"Ça sonnait à midi, j'ouvrais la porte (aux dealers) et après j'allais dans le salon", a expliqué le locataire de l'appartement qui ne posait aucune question aux personnes "capuchées et masquées" qui stockaient la drogue chez lui. A la fin de la journée, cette nourrice était rémunérée avec "un billet posé sur la table" et "un pochon de cannabis". Une autre était quant à elle payée 3.000 euros par mois.

Bitcoins et tickets sportifs

Parmi les petites mains, figure aussi le responsable du conditionnement. Son travail consistait à empaqueter le "zippo, zipette" (cocaïne) en pochons d'un gramme ou demi-gramme et à découper "le Big Mac" et les "nuggets" (cannabis). Et si les bras venaient à manquer, il prenait le relais des vendeurs de nuit. Le commerce était ouvert 24H/24 et 7/7.

Lors de son interpellation, ont été retrouvés "des sachets de conditionnement, une balance de précision, du désodorisant et une valise de cannabis".

Un autre avait le rôle de logisticien, c'est-à-dire chargé d'acheminer les stupéfiants au point de deal, d'apporter les repas et de payer les guetteurs dont la rémunération hebdomadaire s'élevait à 600 euros.

Les "lieutenants", gestionnaires de la recette, blanchissaient l'argent par "la revente de véhicules et de tickets Parions sports".

Au domicile de l'un d'eux, ont été découverts 86.000 euros et une transaction de 35.000 euros en bitcoins. A la barre, M.M, chauffeur-livreur, a nié toute implication dans ce trafic.

La plupart des prévenus avaient "un train de vie disproportionné" comparé aux 1.800 euros de revenus mensuels déclarés, selon l'enquête.

- "Pourquoi vous trafiquez ?", interroge le président du tribunal Benoît Descoubes.

"Pour l'argent", a naturellement répondu une cheville ouvrière du trafic.

Depuis un an, le point de vente du Michelet, situé en face des futurs locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), est "asséché", selon une source policière. Les fonctionnaires de police ont eu pour consigne de faire "le ménage" dans les alentours.

Dans ce procès, une locataire de l'immeuble HLM du point de deal et la Semiso, le bailleur social de la ville de Saint-Ouen, se sont constitués partie civile.

À lire aussi

Sélectionné pour vous