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"Gilets-jaunes": cible de violences, les médias recherchent la parade

Après la recrudescence d'agressions à l'encontre des journalistes qui couvraient le neuvième samedi de manifestations de "gilets jaunes", les rédactions cherchent à comprendre les raisons d'une telle violence, tout en écartant pour l'instant l'idée d'un boycott du mouvement.

Si depuis le début des manifestations, des journalistes sont régulièrement pris à partie, notamment ceux des chaînes d'info en continu, "un cap a été franchi" samedi, comme l'a souligné l'ONG Reporters sans frontières.

A Rouen, une équipe de LCI accompagnée d'agents de sécurité a été agressée, à Toulon, deux journalistes de l'AFP ont été menacés tandis qu'à Marseille, une journaliste vidéo de France 3 et deux photographes locaux ont été insultés et empêchés de travailler. A Pau, un journaliste pigiste a reçu un coup de pied. A Toulouse, une journaliste de La dépêche du Midi a été menacée de viol.

Très vite, l'idée d'un boycott du mouvement a émergé sur les réseaux sociaux, dans la veine de ce qu'ont fait les journalistes de BFMTV lundi dernier en décidant de ne pas aller sur les ronds-points.

Dans plusieurs rédactions, des discussions étaient en cours pour tenter d'apporter une réponse coordonnée à ces violences.

"Nous ne pouvons accepter de devenir les boucs émissaires de la société, et de servir de punching-ball au milieu de cette crise", s'est insurgé le Syndicat national des journalistes dans une tribune publiée dans Le Monde, rappelant qu'une trentaine de journalistes a également été victime de violences policières.

"Une violence inédite à l'égard des journalistes se propage au travers d'agressions physiques et verbales qui se démultiplient, notamment à l'égard des femmes. Cela traduit une évolution alarmante que nous devons dénoncer et combattre pour garantir que les médias puissent continuer à exercer leur rôle", a déploré la patronne de Radio France Sibyle Veil.

- "en pleine figure" -

"Il y a des journalistes de BFMTV qui ont demandé à exercer un droit de retrait lundi dernier en signe de protestation contre ces violences, je pense que c'est un débat qui va continuer à agiter la profession", a indiqué la directrice de la rédaction de BFMTV, Céline Pigalle, sur RMC.

Elle a toutefois estimé qu'un boycott s'apparenterait à une "démission" : "Si nous ne le faisons plus (traiter l'actualité, ndlr), qui va le faire ? Comment et dans quelles conditions est-ce que ça va être fait? Est-ce que par exemple il va y avoir d'un côté les gilets jaunes qui se filment, de l'autre la police qui se filme et plus aucun observateur extérieur qui essaie de rendre compte de cette situation de manière un peu honnête ?", s'est-elle interrogée.

"C'est le sujet dominant en ce moment et il faut le traiter", a estimé pour sa part Fabien Namias, directeur de la rédaction de LCI.

"J'ai une inclinaison naturelle, qui est qu'il faut toujours, en toutes circonstances, faire son métier. Nous on fait ce métier qui consiste à rapporter ce que l'on voit, à le décrire, à le questionner, à l'expliquer et à le mettre en perspective. Tous les événements quels qu'ils soient, heureux, joyeux, dramatiques, violents, émouvants, méritent d'être rapportés", a-t-il indiqué sur France Inter.

Des particuliers ont aussi relayé des appels au boycott, à l'instar d'un auditeur de Radio France dans un message adressé à la médiatrice : "S'il vous plaît, réagissez, pour vous protéger mais aussi pour tous vos fidèles auditeurs, défenseurs de la liberté d'expression. Cessez de leur donner la parole, refusez de couvrir leurs manifestations".

Pour Alexis Lévrier, spécialiste de l'histoire de la presse et des médias, si le discours de certains hommes politiques a mis de l'huile sur le feu, le discrédit envers les médias n'est pas nouveau : "le referendum de 2005 (sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, ndlr) a eu une place très grande dans ce discrédit des médias dominants", indique-t-il à l'AFP.

"Cette fracture, qui n'a cessé de s'amplifier et n'a jamais été résorbée véritablement, nous explose aujourd'hui en pleine figure", observe-t-il.

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