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"Grâce à Dieu", le film d'Ozon sortira bien mercredi

Fin du suspense: "Grâce à Dieu", le film de François Ozon sur une affaire de pédophilie qui a secoué l'Eglise lyonnaise sortira bien en salles mercredi, après avoir franchi un ultime obstacle judiciaire.

Le long-métrage raconte la naissance de l'association de victimes "La Parole Libérée", fondée à Lyon en 2015 par d'anciens scouts accusant d'agressions sexuelles le père Bernard Preynat.

François Ozon s'était dit "zen" mardi matin, affichant sa confiance en la justice. Mais le prolifique réalisateur n'a pas caché son soulagement, tweettant "Merci Lyon, +Grâce à Dieu+ sortira bien le 20 février 2019", quelques minutes seulement après la décision du Tribunal de grande instance de Lyon, où il était assigné en référé (procédure d'urgence) par une ex-membre du diocèse de Lyon, Régine Maire.

Cette dernière a été déboutée de sa demande. Elle réclamait que le réalisateur supprime son nom du film au nom du respect de sa vie privée et de sa présomption d’innocence.

Cette femme, aujourd'hui âgée de 80 ans, a comparu début janvier à Lyon aux côtés du cardinal Philippe Barbarin pour ne pas avoir dénoncé à la justice les agressions de l'ex-prêtre. Le jugement dans ce dossier doit être rendu dans quelques jours, le 7 mars.

Le film prend le parti de citer nommément le cardinal Barbarin, le père Preynat et Régine Maire mais de donner seulement les prénoms des victimes.

C'est une seconde victoire pour l'équipe du film, qui avait aussi été assignée par Bernard Preynat directement. L'ex-prêtre demandait un report de sa sortie au nom de la présomption d'innocence car il n'a pas encore été jugé. Mais sa demande a aussi été rejetée lundi à Paris.

"Nous sommes heureux que le tribunal de Lyon ait appliqué le principe de liberté d'information et de création (même) quand il semble s'opposer aux droits des personnes", s'est réjoui Paul-Albert Iweins, l'un des deux avocats du producteur et du distributeur du film, interrogé par l'AFP.

Une décision contraire "aurait été catastrophique pour le film", ajoute l'avocat.

Si la justice avait donné satisfaction à Mme Maire, cela aurait retardé techniquement la sortie de l’œuvre. Il aurait en effet fallu rappeler les quelque 300 copies déjà distribuées dans les salles de cinéma et réenregistrer la bande-son.

- Un film sur la "fragilité masculine" -

"Mme Maire est déçue", a réagi de son côté son avocat, Me Xavier Vahramian. Sa cliente a vu le film lors d'une avant-première il y a quelques jours et ne s'est pas reconnue. On la présente, a-t-il relevé, comme "un personnage dénué d'empathie, sévère et ayant pour but alors de servir le cardinal Barbarin".

Dans sa décision, le tribunal estime que le film ne porte pas atteinte à sa vie privée car elle y agi en tant que psychologue bénévole au diocèse, un domaine de la vie publique selon les juges, rapporte encore Me Vahramian.

Le film, qui a eu un fort écho médiatique et qui est déjà auréolé du Prix du Jury de la Berlinale, sort en pleine actualité judiciaire. Mais sa date de sortie avait été programmée en raison justement de sa sélection au festival de Berlin, a toujours plaidé François Ozon.

D'ailleurs pour lui, son film n'est pas centré sur les rôles au cœur des procédures judiciaires, mais bien sur la vie des victimes.

"Mon but au départ, c'était de faire un film sur la fragilité masculine. Le film est sur les victimes, pas sur le père Preynat. Le point de départ, c'est le fait divers, mais après je pars sur ces hommes qui ont osé parler, et les répercussions de la libération de la parole pour quelqu'un qui à 40 ans témoigne qu'il a été victime", a-t-il encore justifié mardi.

Malgré ces deux victoires, le réalisateur n'en a pas pour autant terminé avec la justice. Les avocats du père Preynat vont symboliquement faire appel de la décision le concernant. Ils en font une question de principe et de défense de la présomption d’innocence.

Régine Maire, elle, réfléchit aux "suites potentielles".

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