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"La vie sans histoire" de nationalistes corses aux assises pour des attentats

Ils se revendiquent indépendantistes mais nient avoir participé à la lutte armée: des nationalistes corses jugés aux assises à Paris pour des attentats contre des résidences secondaires sur l'île en 2012 se sont attelés à décrire lundi leur "vie sans histoire".

A la fin de la première journée du procès, après avoir entendu les réponses succinctes et évasives des accusés, le président Régis De Jorna devient pressant.

"Vous vous dites tous partisans de Corsica Libera (parti politique indépendantiste, ndlr). (...) Certains disent que c'est la vitrine légale d'un groupe clandestin qui prône la lutte armée. (...) Je voudrais savoir ce que vous avez dans le ventre. Vous êtes d'accord ou pas avec les bouteilles de gaz qu'on fait péter?", interroge-t-il.

Et l'accusé, Marc Ganu, de répondre: "C'est très compliqué ça". Cet homme de 50 ans est notamment jugé pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme" et pour "détention illégale de matériel de guerre". Il a été incarcéré près de 3 ans, après son arrestation en 2013. "Je suis sympathisant nationaliste. Je suis pour l'indépendance", déclare ce taiseux.

Huit hommes sont jugés par la cour d'assises de Paris pour des "Nuits bleues", des séries d'attentats contre des résidences secondaires dans l'île en 2012. Le groupe clandestin FLNC (Front de libération nationale corse) avait revendiqué ces attaques, les justifiant par son "combat contre la spéculation immobilière".

Ecoutes téléphoniques, véhicules géolocalisés, bar sonorisé, surveillances de magasins ont permis aux enquêteurs de remonter jusqu'aux accusés, qui nient les faits qui leur sont reprochés.

- Coluche -

"Ma position est simple: j'ai fait quatre jours de garde à vue. Je me suis déjà expliqué pendant la garde à vue", dit à la cour Xavier Ceccaldi, qui a lui aussi passé 3 ans en détention provisoire. Il se décrit comme "militant" de Corsica Libera.

- Dans quelles valeurs vous retrouvez-vous?, interroge le président

- A peu près tout, répond l'accusé de 33 ans, qui aime chanter, faire des balades avec sa compagne et travaille "dans les espaces verts". La Corse, c'est mon pays.

- La France, c'est votre pays aussi non?

- C'est une question d'opinion.

"On ne parle jamais de politique. (...) On est assez éloigné de tout ça", affirme sa compagne à la barre. Elle a été "étonnée" de voir Xavier Ceccaldi mêlé à cette affaire.

"Le propre d'un mouvement clandestin, c'est justement de ne pas parler", relève alors le président.

Autre accusé entendu lundi: Fernand Agostini, propriétaire d'un restaurant placé sur écoute de juin 2013 à octobre 2014. Il s'agissait, selon les enquêteurs, d'"un lieu de rassemblement de militants du FLNC".

Cet homme, surnommé Coluche, car il "s'occupe des malheureux", est lui aussi membre de Corsica Libera. "Je ne vois pas ce que je fais ici. Je n'ai pas le temps de faire des attentats. Je n'ai pas envie de faire des attentats", a dit cet homme qui passe ses dimanches à la pêche ou à la chasse. "Une vie sans histoire?", demande le président à l'enquêtrice de personnalité. "Apparemment, oui", répond-elle.

Mardi matin doit être entendu Pierre Paoli, soupçonné d'avoir été le chef du FLNC au moment des attentats. Lui aussi membre de Corsica Libera, il a fait un an et demi de détention provisoire.

Ses avocats ont fait citer les deux dirigeants nationalistes de l'île: le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, prendra la parole mardi après-midi et celui de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, chef de file de Corsica Libera, mercredi après-midi.

Le nationalisme corse a tourné en 2014 la page de la clandestinité et des attentats, avant de triompher dans les urnes, en obtenant une majorité absolue aux élections territoriales en décembre.

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