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"Le rêve français": un pan méconnu de l'histoire des DOM se dévoile sur France 2

France 2 diffuse mercredi soir en prime-time la première partie de sa saga "Le rêve français", qui suit sur plusieurs décennies le parcours de Guadeloupéens partis en métropole par le biais du Bumidom, dispositif controversé d'aide à la migration mis en place dans les années 60.

Cet organisme, créé en 1963 sous l'impulsion du député Michel Debré, a financé pendant près de 20 ans des dizaines de départs de jeunes Antillais et Réunionnais (18-35 ans) d'origine modeste, leur proposant formation et emploi. Pour ses détracteurs, il visait surtout à priver ces territoires de leurs forces vives pour limiter les aspirations indépendantistes.

Ce "rêve français" va tourner au cauchemar pour beaucoup de ces exilés qui se retrouveront dans des emplois subalternes en périphérie de grandes villes, voire dans des situations de grande précarité. Si d'autres feront carrière dans la fonction publique, ils ne connaîtront pour la plupart pas d'avancement, selon l'équipe du film.

"J'entends régulièrement des gens s'interroger sur la présence d'Antillais dans la fonction publique. J'ai voulu y répondre par la fiction", explique à l'AFP la Martiniquaise France Zobda (Eloa Prod), productrice de cette saga sur laquelle elle a travaillé trois ans.

Elle s'est entourée des scénaristes Sandro Agénor et Alain Agat, dont les familles ont eu recours au Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer). La mère de Sandro, l'écrivaine réunionnaise Monique Agénor, a été consultante sur le projet aux côtés du journaliste guadeloupéen Michel Reinette, auteur d'un documentaire sur le sujet.

"On ne voulait pas faire un film manichéen ; le Bumidom a eu des conséquences positives et négatives. On a raconté les différents versants avec un kaléidoscope de personnages, en essayant de voir quelle influence le Bumidom a eu sur nous (les Ultramarins, ndlr) et comment c'est vécu par les jeunes générations", raconte France Zobda, qui connaît "très bien" le Bumidom pour en avoir parlé avec l'écrivain martiniquais Edouard Glissant, chantre de la créolité qui était son professeur.

- Grands événements -

"Le rêve français" raconte l'histoire d'amour contrariée de Doris, interprétée par Aïssa Maïga ("les Poupées russes") et Samuel (Yann Gael), de leur enfance en Guadeloupe dans les années 60 à leur départ en métropole et leur vie d'exil avant un retour au pays.

Si le fait que les acteurs principaux ne soient pas d'origine antillaise peut surprendre, France Zobda le justifie en disant s'être "affranchie de l'identité" et avoir recruté "les meilleurs comédiens pour ces rôles".

Autour d'eux s'épanouit une galerie de personnages secondaires comme Charley (Aude Legastelois) venue de la Réunion pour devenir comédienne, Victor (Ambroise Michel de "Plus belle la vie"), indépendantiste guadeloupéen à la tête d'un journal. La chanteuse de Kassav Jocelyne Beroard occupe également un petit rôle.

En toile de fond, l'Histoire, avec côté Guadeloupe les émeutes de 1967, les répressions policières et les tensions raciales, le mouvement indépendantiste du Gong, les attentats du GLA et le scandale du chlordécone, et côté métropole la guerre d'Algérie, mai 1968 ou l'élection de François Mitterrand.

Tournée entre la Guadeloupe (choisie car "beaucoup plus révolutionnaire que la Martinique") et l'Ile-de-France, la saga s'ouvre sur une scène filmée sur le site spectaculaire du Mémorial ACTe, musée consacré à l'esclavage inauguré en 2015 à Pointe-à-Pitre.

"On a voulu marquer les grands événements, dire comment ils ont été vécus en Outremer", décrit France Zobda, qui a coproduit le film avec France Télévisions pour un budget d'environ 4,5 millions d'euros.

"On s'est dit qu'on aurait une seule chance de raconter cette histoire-là, et qu'il fallait y mettre le maximum de choses qui nous tiennent à cœur", poursuit-elle.

Réalisé par Christian Faure, auteur de nombreux téléfilms pour France Télévisions, le "Rêve français" (2x90 minutes) sera diffusé à 20H55 le 21, puis à la même heure le 28 mars sur France 2. Il sera également diffusé sur France Ô en avril.

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