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"Ça arrivait tous les week-end": les aveux glaçants de Bernard Preynat

Pendant vingt ans, "ça arrivait tous les week-ends, et pendant les camps, ce pouvait être quatre ou cinq enfants en une semaine": l'ex-prêtre Bernard Preynat a fait mardi des aveux glaçants sur la fréquence continue des attouchements sexuels dont il est accusé.

"Pour moi, à l'époque je ne commettais pas d'agressions sexuelles mais des caresses, des câlins. Je me trompais. Ce qui me l'a fait comprendre, ce sont les accusations des victimes", se défend l'ancien prêtre de 74 ans à son procès pour des agressions pédophiles commises entre 1971 et 1991, alors qu'il officiait comme vicaire-aumônier scout à Sainte-Foy-Lès-Lyon (Rhône).

Ses proies étaient âgées de 7 à 15 ans, sous l'emprise de ce prêtre imposant, charismatique, adulé par les parents et les enfants.

"Je savais bien que ces gestes étaient interdits (...) D'ailleurs c'était en cachette", admet-il, droit à la barre, les bras le long du corps et la voix un peu cassée. "Et cela m'apportait du plaisir sexuel forcément."

Bernard Preynat reconnaît "avoir toujours vécu dans la peur d'être dénoncé, ayant ce mal en moi", dit celui qui a suivi une thérapie dès les années 1960.

Face à lui, plusieurs victimes ont raconté leurs souffrances, les caresses sur le sexe, les cuisses, sous le short, les étreintes malsaines, les baisers sur la bouche... Et la façon dont il leur disait, à chacun: "tu es mon préféré".

À chaque témoignage, l'ex-prêtre demande "pardon" aux victimes, tout en minimisant les faits.

Ainsi quand l'une d'entre elles, Benoit Repoux, raconte comment le vicaire "le serrait très fort contre lui, mettait sa tête à hauteur de son sexe".

"Je me souviens de l'avoir caressé sous sa combinaison, une fois, au fond du car lors d'une sortie au ski", admet Preynat qui dément d'autres agressions décrites précisément par la victime. "M. Repoux a pu entendre parler de tout ça par d'autres."

- "Je ne me souviens pas" -

Pierre-Emmanuel Germain-Thill, une autre victime qui enlève symboliquement son foulard de scout en venant témoigner à la barre, assure avoir été abusé "une fois tous les 15 jours, pendant deux ans". Il évalue ces agressions à "plus d'une cinquantaine" quand il était scout mais aussi enfant de chœur.

Preynat dément. "Je reconnais toutes les agressions dans le cadre du scoutisme mais pas quand il était enfant de chœur (...). Je n'accuse pas les gens de mensonge mais je ne me souviens pas", ajoute l'ancien prêtre.

Anthony Gourd, qui a souffert d'amnésie traumatique, décrit lui aussi des attouchements dont il se souvient peu à peu depuis quatre ans. "Je revis toutes les sensations, son odeur", confie-t-il, ému.

"Je ne reconnais aucune agression à son encontre", rétorque vivement le prévenu.

En marge de l'audience, Me Emmanuelle Haziza, l'avocate de M. Germain Thill, le qualifie de "plus grand prédateur sexuel de la région lyonnaise".

Face au tribunal, le prévenu avait évoqué dans la matinée "quatre ou cinq enfants (abusés) en une semaine". "Cela fait presque un enfant par jour", constate la présidente Anne-Sophie Martinet. Un rythme qu'il a tenté de minimiser dans l'après-midi.

À la barre, François Devaux, cofondateur de l'association de victimes La Parole Libérée, à l'origine des révélations, reconnaît qu'il vit là "le moment (...) le plus dur depuis le début de l'affaire". Avant d'évoquer "l'enfer" qu'il a fait vivre à ses parents, les seuls à avoir alerté les autorités ecclésiastiques en 1991.

Pour la première fois, il parle aussi de sa "tentative de suicide". "Avant, je crois, j'étais un enfant lumineux. Après ça, j'ai vécu une vie très sombre", dévoile celui qui n'avait pas réussi à se confier lors du procès du cardinal Philippe Barbarin, jugé en mars dernier par le même tribunal pour ne pas avoir dénoncé Preynat.

En entendant "qu'à cause de moi il a tenté de se suicider, je suis assommé et mesure la responsabilité de mes actes", affirme Bernard Preynat. Un acte de contrition, qu'il répète à plusieurs reprises.

Dix parties civiles, sur 35 victimes entendues pendant l'enquête, sont constituées au procès, beaucoup de faits étant frappés de prescription.

Le prévenu assure avoir "tout arrêté" en 1991. "J'en ai fait la promesse au cardinal Decourtray." L'enquête n'a retenu aucun fait par la suite.

L'ex-curé, réduit à l'état laïc au terme de son procès canonique l'été dernier, encourt jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.

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