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A la barre au procès Méric, "Batskin" l'habitué des eaux troubles

Serge Ayoub, figure de l'ultradroite, est attendu mardi comme témoin au procès des skinheads jugés pour la mort de l’antifasciste Clément Méric. Un rendez-vous judiciaire de plus pour "Batskin", cité dans diverses affaires de violences d'extrême droite mais jamais condamné.

Convoqué la semaine dernière, Ayoub, 53 ans, avait fait faux bond à la cour d'assises de Paris, certificat médical à l'appui. Sans se priver de commenter le procès sur les réseaux sociaux.

Juste avant et après la bagarre fatale à Clément Méric, il n’a cessé d’être en contact avec les principaux accusés, Esteban Morillo, et Samuel Dufour, tous deux 25 ans aujourd'hui.

Serge Ayoub, silhouette trapue, mâchoire carrée et cheveu ras s’est fait connaître dans les années 1980 comme leader des skinheads parisiens. Il a déjà la gouaille facile, assurée et volontiers provocatrice. Et la légende le dit habile, batte de baseball en main, lors des bagarres de rue: "Batskin" est né.

Dans les années 1990, il se diversifie, se lance dans divers commerces (fanzines, vêtements, production de vidéos, certaines pour adultes), fréquente l'actrice porno en vogue Tabatha Cash.

Il est candidat aux législatives dans les Hauts-de-Seine en 1993, recueille 0,17% des voix. Il part à l'étranger, travaille "pour un casino au Salvador", "dans une galerie d'art au Japon"...

Revenu en France au milieu des années 2000, il relance le groupuscule d’ultradroite Troisième Voie et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), un "service d'ordre" d'une trentaine de gros bras qu'il avait créé dans les années 1980. Il ouvre un bar associatif, Le Local, qui devient un carrefour de l’extrême droite parisienne.

Ayoub y développe sa doctrine, le "solidarisme", d’inspirations diverses de gauche et extrême droite, qui dénonce notamment l’immigration massive. "Un nationalisme populaire, populiste, xénophobe, antibourgeois et révolutionnaire", selon le spécialiste de l’extrême droite Jean-Yves Camus.

- "Bête immonde" -

La mort de Clément Méric est un coup d’arrêt : le gouvernement dissout les JNR, dont Morillo et Dufour étaient au minimum des sympathisants, et Troisième Voie. Le Local ferme.

Cinq ans après, Ayoub charge toujours Méric "l’agresseur": "La nature méchante lui a rappelé ce qu'il était, un leucémique (Méric se remettait d’une leucémie contractée deux ans plus tôt, ndlr). En 1914, dans les tranchées, il n’y avait pas d'accès handicapés !"

Le nom d’Ayoub est apparu dans d’autres affaires meurtrières mettant en cause de jeunes militants ou sympathisants JNR. Mais ce fils de magistrate n’a jamais été condamné. "Ayoub, c’est l’homme qui est toujours à un coup de fil du meurtre, mais qui s’en sort à indemne !", peste un camarade de Méric.

En 1990 au Havre, des "crânes rasés", dont Régis Kerhuel, tuent un Mauricien de 29 ans, James Dindoyal, en l’obligent à boire une bière mélangée à des produits chimiques. Kerhuel dira qu’il était ce soir-là "à Paris avec Serge". Ayoub nie, Kerhuel écope de vingt ans de prison.

En 2015 éclate en Picardie l’affaire dite des "Loups blancs", un clan néo-nazi accusé de diverses violences, fondé et dirigé par un ancien habitué des JNR, Jérémy Mourain, qui affirmera s’être fait entraîner par Ayoub. "Batskin" nie, il est relaxé. Mourain prend neuf ans.

"Quand un jeune mec se fait arrêter, il s'imagine qu'en m'impliquant ça va diluer sa responsabilité. Batskin, c'est la bête immonde", philosophe Ayoub.

L'affaire des "Loups Blancs" fait rebondir celle de la mort d'Hervé Rybarczyk, guitariste et militant antifasciste de 42 ans retrouvé noyé dans la Deûle à Lille en 2011. L’un des principaux suspects, Yohan Mutte, ancien sympathisant JNR, connaît Mourain et Ayoub.

Ses ennemis "antifas" en sont persuadés, Ayoub est protégé car c'est un "indic" de la police. L’intéressé éclate de rire : "Si c'était le cas, je serais pas dans les affaires tous les 15 jours !"

Dans l’affaire Méric, un élément intrigue: selon plusieurs avocats, Ayoub a passé un coup de fil à la préfecture de police de Paris dans la nuit qui a suivi la bagarre. Le lendemain, les policiers arrêtent Morillo chez lui.

Ayoub dirige aujourd’hui un club de bikers en Picardie, où graviteraient toujours d'anciens JNR. "Il ne représente plus grand chose", explique Jean-Yves Camus. "C'est d'abord quelqu'un qui a une longévité et un charisme. Le dernier survivant d'une époque".

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