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A Oyonnax, le combat contre la solitude ne prend pas de congés

La municipalité d'Oyonnax, qui suit chaque été près de 200 personnes âgées en cas de canicule, s'attèle désormais à lutter toute l'année contre leur solitude en y dédiant, initiative rare, un agent pour ne pas les laisser "sur le bord de la route".

Lorsque l'employée municipale chargée du suivi des seniors fragiles passe la porte d'Yvonne Calamand, le rire de l'Oyonnaxienne de 92 ans, peine à masquer sa souffrance de n'avoir personne à qui parler, à part "les murs".

"Comment allez-vous depuis la dernière fois ?", demande de sa voix claire Vanessa Deschamps à la nonagénaire, qu'une douleur à la jambe a empêchée de sortir depuis cinq jours.

Installées autour de la table de la cuisine, les deux femmes échangent quelques mots sur le quotidien. Face à la vieille dame mal-entendante, Mme Deschamps répète ou hausse la voix, toujours avec bienveillance. Elle s'enquiert notamment de son prochain rendez-vous chez le médecin pour lui proposer un transport pris en charge par la mairie.

Les visites de Mme Deschamps, "ça me fait discuter un peu", estime cette femme veuve et sans enfant, qui a peu de famille et se sent "toute seule".

Au bout de trois quarts d'heure, Mme Deschamps prend congé pour se rendre chez un couple de personnes âgées et assure à Mme Calamand de la "revoir bientôt".

Depuis 2011, la municipalité d'Oyonnax suit chaque été "entre 180 et 200 personnes" - dont la moyenne d'âge en 2019 s'élève à 85 ans - dans le cadre du plan canicule.

A partir de cet automne il va se poursuivre tout au long de l'année sous la forme d'un plan solitude, qui a nécessité le recrutement ad hoc d'un agent, en mi-temps annualisé. Une exception pour une commune française.

Les plus âgés et les plus isolés sont appelés et "si je sens qu'il y a un besoin, je leur propose une visite", explique Mme Deschamps, qui se rend chez trois à quatre personnes par jour.

Son rôle consiste notamment à informer les seniors des différents dispositifs dont ils peuvent bénéficier, ainsi que de repérer des situations critiques, qui pourront être prises en charge par le travailleur social de la mairie.

- "Rôle charnière" -

"Patience et écoute" sont les principales qualités requises pour ce poste qu'elle qualifie de "rôle charnière entre les personnes âgées et le service social", estime Mme Deschamps, ancienne hôtesse d'accueil, qui ne se départit jamais de son sourire.

La quadragénaire peut aussi rencontrer des personnes en souffrance, "lassées de la vie", à qui elle va "essayer, par quelques mots, de rassurer et de remonter le moral et surtout de faire remonter l'information".

"Il ne faut pas des notions d'infirmière?", l'interroge Mme Piquet, sa deuxième visite de l'après-midi. "Non, je suis juste là pour passer du temps", rappelle l'employée municipale.

Constatant "une véritable solitude, très profonde" chez une partie de ses administrés, le maire (UDI) d'Oyonnax Michel Perraud estime que le numéro d'appel mis en place dans le cadre du plan solitude équivaut à "SOS Médecin" pour procurer "du lien social". "On a besoin d'aide, on est là", assure-t-il, refusant de "laisser ces personnes au bord de la route".

"A qui parler quand vous êtes seul ? A qui téléphoner ? Souvent les copains et les copines ne sont plus là, sont décédés, comment faire ?", interroge-il.

"Souvent, quand on va voir les mamies et les papys, ils nous tiennent longtemps la main, c'est un signe pour dire : +Ne me laissez pas+", témoigne M. Perraud, dénonçant une "société individualiste" dans laquelle "on ne se préoccupe pas de son voisin".

Les dernières fêtes de fin d'année avaient été l'occasion de mener un premier essai "pour quantifier les besoins". "Plus de 70 personnes" seules avaient demandé à en bénéficier, "ce qui est énorme" pour une commune de 22.500 habitants, relève l'édile, qui évoque déjà une montée en puissance du plan solitude avec l'éventuel recrutement d'agents supplémentaires.

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