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A Paris, les trottinettes jouent la carte verte

Sur un quai de Paris, deux hommes lancent un crochet métallique noué au bout d'une corde dans les eaux vertes de la Seine et remontent leur pêche: une trottinette électrique qui sera réparée ou recyclée pour répondre aux critiques de ce nouveau mode de transport qui s'affiche écolo.

Dix-huit mois après ses débuts dans la capitale française, c'est l'heure du premier bilan pour la trottinette en libre-service. Ludique et pratique, elle a largement séduit habitants et touristes.

Mais les défenseurs de l'environnement sont plus circonspects, épinglant pêle-mêle le coût environnemental de sa fabrication, l'électricité qu'elle consomme ou sa courte durée de vie.

Les militants du mouvement Extinction Rebellion en ont fait une de leurs cibles. Le mois dernier ils ont édifié au cœur de Paris une pyramide de trottinettes pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme une "Pollution inutile".

"La trottinette ne remplace pas la voiture, elle motorise les trajets piétons", dénonçait une pancarte.

Les premières études confirment que ce mode de transport urbain constitue avant tout une alternative à la marche ou à l'usage du vélo - non polluants - et ne remplace la voiture que dans 30% des cas, explique à l'AFP Jeremiah Johnson, de l'Université de Caroline du nord. D'où une augmentation mécanique des émissions de CO2.

Dans une étude menée avec ses collègues, il a décortiqué le bilan carbone des trottinettes en circulation dans la capitale de cet Etat de la côte est des Etats-Unis, Raleigh.

Conclusion: si les trottinettes elles-mêmes consomment peu d'électricité, leur facture énergétique est alourdie par les émissions de CO2 des véhicules qui les transportent vers les sites de rechargement, mais aussi par leur processus de fabrication et les matériaux employés, observe M. Johnson.

Un bilan d'autant plus notable que la durée de vie de ces petits engins est courte: autour d'un an, selon l'opérateur américain Lime.

Ces critiques sont de plus en plus prises en compte par les opérateurs de trottinettes, soucieux de défendre leur modèle de transport urbain vanté comme rapide et écologique.

"Dans les 16 premiers mois de notre activité à Paris, Lime a réalisé 15 millions d'utilisations, soit l'équivalent de deux jours sans aucune voiture", assure à l'AFP Arthur-Louis Jacquier, directeur France de la start-up américaine.

La Mairie de Paris doit prochainement sélectionner les trois opérateurs qui pourront continuer à déployer leurs trottinettes dans les rues, loin de la douzaine qui s'étaient lancés sur le marché l'an dernier. Et chacun fait assaut de vertu pour monter sur le podium.

- "Patrouilles urbaines" -

Lime se dote peu à peu d'une flotte de camionnettes électriques qui achemine les trottinettes dans un vaste entrepôt où leurs batteries sont rechargées avec de l'électricité dite "verte" (énergies renouvelables). Histoire de tourner la page des "juicers", ces travailleurs indépendants auparavant employés pour récupérer les trottinettes et les recharger, parfois sur des groupes électrogènes (à essence!).

L'opérateur a aussi lancé des "patrouilles urbaines" chargées de récupérer, jusque dans la Seine, les trottinettes hors d'usage pour les recycler autant que possible - même si les batteries au lithium le sont difficilement.

"On a commencé en septembre", explique Sonthay Detsaboun, chef de la patrouille chez Lime. "Depuis deux mois, ça doit faire environ 200 trottinettes repêchées".

Dans l'entrepôt de Lime en banlieue parisienne, où elles atterrissent, l'activité bourdonnante laisse à penser que l'opérateur est loin d'en avoir fini avec le vandalisme.

Quelque 200 mécaniciens s'y relaient 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Câbles de frein sectionnés, code barres recouverts de peinture... chaque jour entre 1.000 et 1.500 trottinettes sont remises en état.

Lime a par ailleurs amélioré l'autonomie des batteries pour la porter à 50 kilomètres sur son dernier modèle. "L'impact écologique est amélioré parce qu’on a moins besoin de récupérer la trottinette entre chaque recharge", fait valoir M. Jacquier.

Pour être vraiment vertes, les trottinettes doivent devenir plus durables, insistent les experts.

"Une durée de vie de deux ans, avec une trottinette plus solide et une meilleure prévention du vandalisme, (...) ça ferait une vraie différence", estime Jeremiah Johnson.

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