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Bygmalion: Sarkozy renvoyé en procès pour ses comptes de campagne

Pendant que l'affaire Fillon bat son plein, l'enquête Bygmalion s'achève: le juge d'instruction a ordonné le renvoi en procès de quatorze protagonistes dont Nicolas Sarkozy, pour ses dépenses excessives lors de la campagne présidentielle de 2012.

C'est la deuxième fois qu'un ancien chef de l'Etat est renvoyé en procès dans une affaire politico-financière sous la Ve République, après Jacques Chirac (1995-2007), condamné en 2011 dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.

Retraité politique depuis sa défaite à la primaire de la droite le 20 novembre, Nicolas Sarkozy, 62 ans, est renvoyé en procès pour financement illégal de campagne électorale, délit passible d'un an de prison et de 3.750 euros d'amende.

Lui-même empêtré dans les soupçons d'emploi fictif de son épouse comme assistante parlementaire, le candidat de la droite François Fillon a dit avoir "une pensée émue" pour Nicolas Sarkozy, dont il fut le Premier ministre, devant des parlementaires réunis à son QG de campagne.

La candidate du FN Marine Le Pen a jugé qu'il y a des calendriers "problématiques", à bientôt deux mois de la présidentielle.

Concrètement, l'ancien président se voit reprocher d'"avoir dépassé le plafond des dépenses électorales", "en engageant, sans tenir compte des deux alertes adressées par les experts comptables de sa campagne les 7 mars et 26 avril 2012, des dépenses électorales pour un montant d'au moins 42,8 millions d'euros", a expliqué une source judiciaire.

Un chiffre vertigineux par rapport au plafond légal, alors fixé à 22,5 millions, conséquence d'une "stratégie" d'"occupation maximale de l'espace médiatique et télévisuel, avec la multiplication de meetings souvent spectaculaires", note le juge Serge Tournaire dans son ordonnance du 3 février, dont l'AFP a pris connaissance.

Un "train qui filait à toute vitesse", avait résumé l'un des responsables de la campagne, Jérôme Lavrilleux.

- Fausses factures -

Par la voix de son avocat Thierry Herzog, Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il ferait appel de cette ordonnance, signée seulement par l'un des deux magistrats saisis. Selon des sources proches du dossier, le juge Renaud van Ruymbeke ne partage pas l'analyse de son collègue sur une implication de l'ancien chef de l'Etat.

"Ce désaccord manifeste (...), fait rarissime pour être souligné, illustre l'inanité de cette décision", a déclaré Me Herzog.

Cadres de l'ex-UMP, comme son directeur général Eric Cesari, responsables de l'équipe de campagne, comme son directeur Guillaume Lambert ou Jérôme Lavrilleux, dirigeants de Bygmalion, comme Bastien Millot, et experts-comptables: le juge a ordonné le renvoi en procès de treize autres protagonistes pour faux ou usage, escroquerie ou complicité, abus de confiance ou recel et complicité de financement illégal de campagne.

L'affaire porte avant tout sur un système de fausses factures à grande échelle pour masquer le dépassement du plafond, en profitant des faiblesses des contrôles.

Le scandale avait éclaté en 2014 quand des cadres de Bygmalion et Jérôme Lavrilleux avaient révélé cette fraude au profit de la campagne sarkozyste, alors qu'ils étaient eux-mêmes accusés de malversations, mais en faveur de leur proche Jean-François Copé, finalement mis hors de cause.

La triche avait consisté à imputer à l'UMP (devenue Les Républicains) quelque 16,2 millions d'euros de dépenses de meetings de la campagne, qui auraient dû figurer au compte officiel du candidat.

L'enquête n'a pas permis de déterminer qui a donné l'ordre. Plusieurs protagonistes ont prêté un rôle clé à Jérôme Lavrilleux, qui a toujours affirmé n'avoir été mis au courant qu'après la campagne.

Nicolas Sarkozy n'a pas été mis en cause pour les fausses factures.

"En revanche, les dérapages financiers (...) sont bien la conséquence directe de décisions prises par le candidat, seul ou avec ses équipes, en toute connaissance des risques encourus", estime le juge d'instruction.

"Fallait-il que je me plonge dans les 46 cartons" de factures?, s'était défendu l'ex-candidat devant le juge. Il avait réfuté toute explosion des dépenses et soulevé une autre hypothèse, celle de surfacturations au profit des patrons de Bygmalion, avec Jean-François Copé en toile de fond.

Dans le cadre de l'enquête, une expertise financière a pourtant conclu que les tarifs pratiqués par Bygmalion n'étaient pas anormaux.

De plus, les investigations ont mis en lumière l'omission d'autres dépenses, estimées à 3,5 millions d'euros par le juge, et qui n'avaient rien à voir avec la société Bygmalion.

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