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Mutuelles de Bretagne: vers la fin des poursuites contre Richard Ferrand

La Cour de cassation a confirmé mercredi la prescription pour le délit de "prise illégale d'intérêt" visant Richard Ferrand dans l'affaire des "Mutuelles de Bretagne", ce qui devrait entraîner la fin des poursuites contre cet ancien pilier de la Macronie.

"C'est une satisfaction. C'est bien la preuve que cette affaire, qui dès le départ avait été classée, n’aurait jamais du être rouverte", a réagi Emmanuel Piwnica, avocat de M. Ferrand, auprès de l'AFP. "Je considère que c'est fini aujourd'hui. L'affaire est terminée, point", a-t-il ajouté, estimant que les faits n'étaient de toute façon "pas établis".

"La cour de cassation a fait une interprétation très stricte du droit, faisant échapper Richard Ferrand à sa responsabilité pénale", a déclaré à l'AFP Jérôme Karsenti, l'avocat de l'association anti-corruption Anticor, qui avait déposé plainte contre l'ex-président de l'Assemblée nationale.

"Il n’en reste pas moins que les faits sont constitués et qu’il n’échappe au procès que par un moyen procédural", a-t-il ajouté.

M. Ferrand, 60 ans, est soupçonné d'avoir profité de sa situation de directeur général des Mutuelles de Bretagne, de 1998 à 2012, pour favoriser sa compagne, l'avocate Sandrine Doucen, lui permettant d'acheter en 2011 un bien immobilier sans débourser un centime.

Le dossier doit formellement repasser entre les mains du juge d'instruction, qui devrait prononcer un non-lieu contre M. Ferrand, mis en examen depuis 2019 pour "prise illégale d'intérêt".

- 250.000 euros de travaux -

Cette décision tombe au moment où deux autres proches d'Emmanuel Macron, le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler et le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti sont mis en cause dans des affaires d'atteinte à la probité.

L'affaire, révélée en 2017 par le Canard Enchaîné, avait coûté à M. Ferrand son éphémère portefeuille de ministre de la Cohésion des territoires, un mois à peine après sa nomination. Mais elle ne l'avait pas empêché d'être élu au perchoir de l'Assemblée nationale à l'automne 2018.

M. Ferrand est aujourd'hui sans mandat, battu aux dernières élections législatives par une candidate socialiste de 38 ans dans la 6e circonscription du Finistère.

Selon l'enquête, M. Ferrand a signé fin 2010, au nom de sa compagne, un compromis pour acheter un immeuble à Brest, au moment même où les Mutuelles de Bretagne étaient à la recherche de nouveaux locaux.

Ce compromis avait été assorti d'une clause conditionnant l'achat du bien à la promesse de sa location par l'organisme de M. Ferrand.

Ce n'est qu'une fois cette location approuvée que Mme Doucen avait monté une SCI -domiciliée à l'adresse commune du couple- pour finaliser la transaction.

Elle avait pu emprunter la totalité des 375.000 euros nécessaires, le loyer annuel de 42.000 euros sur neuf ans permettant d'auto-financer l'opération.

Les lieux avaient ensuite été rénovés par les Mutuelles de Bretagne, organisme bénéficiant de subventions publiques, pour environ 250.000 euros.

- Délai de trois ans -

Anticor avait déposé plainte avec constitution de partie civile à Paris en 2017, après un premier classement sans suite du parquet de Brest. Une information judiciaire avait alors été ouverte.

Trois juges d'instruction lillois -où le dossier a été délocalisé- avaient mis en examen M. Ferrand en 2019 et placé Mme Doucen sous le statut plus favorable de témoin assisté.

Les avocats de M. Ferrand avaient alors saisi la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, considérant les faits prescrits, le délai étant de trois ans dans cette affaire.

Les juges leur avaient donné raison en mars 2021: ils estiment les faits prescrits soit depuis 2014, soit depuis 2015, c'est-à-dire trois ans après la signature du bail ou trois ans après la démission de M. Ferrand des Mutuelles. Dans les deux cas, avant qu'ils ne soient dénoncés à la justice.

Le pourvoi en cassation d'Anticor, rejeté mercredi, visait à casser cette décision. L'association estimait que le délai de prescription avait débuté à la révélation des faits en 2017, car ils avaient auparavant été dissimulés.

Pour elle, tous les administrateurs des Mutuelles de Bretagne n'avaient pas connaissance de la relation entre M. Ferrand et Mme Doucen au moment de l'opération.

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