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Allemagne: les quotas de femmes dans les entreprises embarrassent Merkel

L'opposition de gauche allemande soumet jeudi au Parlement un projet de loi sur des quotas de femmes dans les entreprises, qui n'a aucune chance d'être adopté, mais embarrasse la chancelière Angela Merkel.

Le projet de loi, introduit par les sociaux démocrates du SPD et les Verts, voudrait instaurer un quota obligatoire de 30% de femmes dans les conseils de surveillance des entreprises allemandes dès cette année, et de 20% dans les comités de direction.

Dans un pays très à la traîne en la matière, cette perspective a alléché un certain nombre de députés, et surtout de députées dans le camp de la chancelière. Au point que le gouvernement a frôlé l'humiliation de voir une partie de ses troupes voter avec l'ennemi. Selon certains médias, l'affaire représentait même une menace potentielle pour la survie de la coalition.

Finalement les dissidents - environ 25 au sein des Unions chrétiennes, selon des estimations internes - sont rentrés dans le rang sous la pression. Un vote-test mardi du groupe parlementaire conservateur (CDU/CSU) de la chancelière, s'est soldé par un "non" unanime.

Alors que Mme Merkel part en campagne pour les législatives du 22 septembre, où elle briguera un troisième mandat, les atermoiements des derniers jours ont fait désordre.

L'une des partisanes les plus farouches d'un quota fixé par la loi n'était est autre que la très populaire ministre de l'Emploi, Ursula von der Leyen. Cette proche de la chancelière a reconnu mardi céder "avec le coeur lourd" sur un sujet qui lui est cher, selon des députés CDU.

Pour le quotidien de gauche taz, Mme von der Leyen fait figure de "lionne qui a fini en descente de lit", tandis que pour le Tagesspiegel berlinois, la façon dont le gouvernement a abordé le sujet est "une honte".

Un compromis pour amadouer les troupes

Le gros du parti conservateur est opposé à un quota fixé par la loi, au nom de la liberté d'entreprise. L'opposition est encore plus virulente dans les rangs du parti libéral FDP, partenaire de coalition.

Pour amadouer les troupes et éviter l'affront lors du vote, la direction de la CDU/CSU a accepté lundi d'inscrire au programme du parti un quota obligatoire de 30% dans les conseils de surveillance... à l'horizon 2020. Une perspective que la commissaire européenne à la Justice Viviane Reding, qui veut des quotas pour toute l'Union européenne, s'est empressée de saluer comme le résultat d'un lobbysme efficace du "pouvoir des femmes".

Mais nombre de conservateurs se sont empressés de torpiller ce compromis en forme de virage différé à 180 degrés, alors que l'opposition dénonçait une "chimère".

Michael Fuchs, vice-président de la CDU, a estimé que "l'Etat n'a pas son mot à dire" dans la composition des conseils de surveillance, dans un entretien au quotidien Handelsblatt.

Le revirement du parti est "incompréhensible", a réagi Bertram Brossardt, président de la fédération de l'économie bavaroise, et représentant de la clientèle-type du parti. "Nous n'avons pas besoin de quota, ni pour les étages de direction ni pour rien d'autre", a-t-il martelé.

La chancelière elle-même ne défend pas la nouvelle ligne avec enthousiasme. "La CDU s'intéresse depuis longtemps à la question", explique-t-elle mollement dans un entretien au quotidien Bild jeudi; "et en tant que chef de ce parti je prends cela au sérieux si cela touche autant mes collègues".

Mme Merkel, elle-même femme dans un monde d'hommes, n'a jamais fait de la cause des femmes un cheval de bataille.

En Allemagne, la part des femmes dans les comités de direction des 200 plus gros groupes allemands était de 4% l'an dernier, dans un pays où 68% des femmes travaillent et où un tiers des députés sont de sexe féminin.

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