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Amérique latine: trois choses à savoir sur l'influence des évangéliques dans la politique

A l'image des temples évangéliques, de plus en plus visibles dans les capitales d'Amériques latine, l'influence de ces mouvements dans la politique de cette région, traditionnellement catholique, progresse d'élection en élection.

Le développement de ces églises, opposées à l'avortement, au mariage gay, à la légalisation de la marijuana et à l'idéologie du genre, se traduit par une poussée du vote conservateur latinoaméricain, selon les experts.

Dernier exemple en date au Brésil, où le premier tour de la présidentielle à lieu dimanche: le soutien des mouvements évangéliques, très puissants dans ce pays, pourrait faire pencher la balance en faveur du candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro.

- Une poussée dans la région -

L'Amérique latine compte 40% des catholiques du monde, mais les églises évangéliques, qui s'inscrivent dans le courant du protestantisme, attirent toujours plus de fidèles.

En 2014 une étude du Centre d'investigation Pew, basé à Washington, sur la religion dans la région estimait qu'un Latinoaméricain sur cinq (19%) était protestant, souligne Andrew Chesnut, directeur des Etudes catholiques de la Virginia Commonwealth University, aux Etats-Unis. Ce chiffre atteint 41% au Guatemala et au Honduras.

"La poussée des pentecôtistes (un des courants de l'évangélisme) a été si forte au Brésil que le géant sud-américain abrite la plus grande population pentecôtiste au monde avec plus de croyants qu'aux Etats-Unis!", déclare M. Chesnut à l'AFP.

"Les églises évangéliques ont su mieux répondre aux besoins des nouvelles générations de Latinoaméricains, particulièrement dans un contexte de changements sociaux accélérés, tels que l'urbanisation et la globalisation (...) Tous ces processus ont laissé sur le côté d'importants secteurs de la population", explique William Mauricio Beltran, spécialiste des religions et professeur de l'université nationale de Colombie.

Pour ces deux experts, les scandales de pédophilie au sein de l'église catholique, comme au Chili, devrait pousser encore plus de personnes à se tourner vers les mouvements évangéliques.

- De plus en plus présents dans le débat public -

Du très controversé transfert de l'ambassade du Guatemala à Jérusalem en mai au "non" au référendum colombien sur l'accord de paix avec l'ex-guérilla des Farc fin 2016, en passant par la destitution en août 2017 de la présidente du Brésil Dilma Rousseff: "les thématiques chères aux évangéliques sont de plus en plus présentes dans le débat public" régional, selon Gaspard Estrada, spécialiste de l'Amérique Latine à Sciences Po, à Paris.

Ainsi, par exemple, la religion évangélique du chef de l'Etat guatémaltèque Jimmy Morales a pesé dans la décision de déplacer la représentation diplomatique: les évangéliques soutiennent Israël avec ferveur car ils veulent voir les juifs reconstruire leur temple à Jérusalem, ce qui serait censé faciliter le retour du Christ, selon eux.

"Les pasteurs évangéliques interviennent beaucoup plus dans le quotidien des fidèles, ils n'ont aucun problème à appeler à voter pour quelqu'un", ajoute M. Estrada.

Au Brésil, à quelques jours du premier tour du scrutin présidentiel, l'influente Eglise universelle du royaume de Dieu a apporté son soutien à l'ex-capitaine de l'armée Jair Bolsonaro, apologiste de la dictature, favori des sondages.

- Virage à droite? -

"Les récentes élections au Chili, Costa Rica, Mexique, Colombie, Guatemala et celle à venir au Brésil révèlent une polarisation accrue de l'électorat et un virage politique à droite", juge l'Américain Andrew Chesnut.

"Même à gauche, (le président élu au Mexique, Andrés Manuel) Lopez Obrador a estimé qu'il devait faire alliance avec un petit parti conservateur, fondé par un pasteur pentecôtiste, pour assurer sa victoire", ajoute-t-il.

Pour Gaspard Estrada, de Sciences Po, plus qu'une bascule à droite de la région, "c'est plutôt une victoire de l'alternance".

"A cause des scandales de corruption, du manque de leadership et de la croissance en panne, il y a une radicalisation de l'électorat en Amérique latine. Les électeurs sont poussés vers les extrêmes et les candidats alternatifs", poursuit M. Estrada. "Cette affirmation du vote évangélique et conservateur est une réaction à la progression du vote féministe et de la société civile."

"Les églises évangéliques ont réussi à s'organiser en nouvel acteur politique dont le rôle et le pouvoir doit être pris en compte à chaque élection", conclut le Colombien, William Mauricio Beltran.

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