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Anthony, Jean-Michel... Comment ils sont devenus meurtriers de leur compagne ou ex

Comment Anthony, Jean-Michel, Cédric et plus de cent autres hommes sont-ils devenus cette année les meurtriers de leurs conjointes ou ex ? Un cocktail souvent mystérieux, selon les psychiatres, de personnalité tourmentée, de culture dominatrice sous-jacente et d'une situation qui a tout embrasé.

"J'ai fait une connerie, j'ai tué ma copine". Ce matin d'octobre à Marly-le-Roi, Anicet vient de poignarder Natacha dans la rue lorsqu'un passant l'entend prononcer ces mots. Natacha, 38 ans, n'était plus sa "copine": elle l'avait quitté depuis plusieurs mois. On ne sait pas si Anicet avait prémédité son geste.

Début février, Cédric, 33 ans, agent hospitalier dans la Somme, a fait de nuit les 40 km qui le séparait de chez son ex, la mère de son fils. Il l'a tuée, ainsi que son nouveau compagnon, à bout portant. Vers 1H30 du matin, il a appelé la gendarmerie pour dire qu'il avait "provoqué un drame".

Au moins 115 hommes ont ainsi tué leurs conjointes ou ex depuis le début de l'année, selon un décompte fait par les journalistes de l'AFP auprès des autorités locales.

Dans tous ces passages à l'acte, Karen Sadlier, psychologue et spécialiste des violences conjugales, voit un point commun: à un moment donné, l'homme atteint un tel niveau de frustration qu'il ne peut le gérer et bascule dans la violence extrême. Notamment lors de la séparation du couple, premier élément déclencheur des meurtres (au moins 23,5%) devant les disputes (16,5%) et la jalousie (14%), d'après l'étude de l'AFP.

- Relations fusionnelles -

Le profil d'auteur le plus fréquent est celui du "carencé narcissique", explique Gérard Lopez, psychiatre longtemps expert judiciaire. Des hommes de milieux sociaux divers qui ont souffert de manque d'affection voire de violences dans le passé, dit-il, et qui compensent en établissant des relations fusionnelles avec leurs compagnes dont ils sont "entièrement dépendants".

"Le jour où Madame le quitte, pour Monsieur, c'est impossible" à vivre. Et il se convainc que "la seule manière de la maîtriser, c'est de la tuer", selon Mme Sadlier.

Parmi les autres profils récurrents, M. Lopez cite l'"impulsif", colérique, imprévisible et donc difficile à détecter. Il "regrette généralement son geste ensuite".

Puis le "psychopathe", "lui aussi maltraité", "froid", "rétif à l'autorité" et "sans remords", qui veut avant tout "avoir le pouvoir". Il "a toujours raison" et "se sent victime". Et enfin, "le grand paranoïaque délirant", un "fou" qui tue "parce qu'il pense que sa femme le trompe" et "ne regrette pas" parce qu'il se sent "dans son bon droit, bafoué".

Nabile, 41 ans, qui a tué Christelle à Perpignan en juillet, était "un époux extrêmement jaloux, avec des traits parano, prêtant des aventures à son épouse", dira l'enquête. Son avocat préfère lui parler de "crime passionnel".

Un après-midi de mars près de Tours, Caroline est arrivée avec des amies dans une guinguette où se trouvait son ex compagnon, qui y a ses habitudes. Il ne l'a pas supporté et l'a poignardée sur le parking. Une "personnalité impulsive et rancunière avec tendance à se persuader de sa persécution par la victime", diront les expertises de cet homme de 67 ans, inconnu de la justice.

- "Dispute" -

Le facteur culturel joue également, notamment la domination masculine, toujours intériorisée par une partie des hommes, soulignent les psychiatres. Pour ceux-là, "c'est l'homme le chef" et "si ta femme te trompe t'es pas un homme", note M. Lopez.

Karine Lejeune, colonelle en gendarmerie, souligne que les hommes qu'elle a vu passer en garde à vue pour violences conjugales partagent la même vision stéréotypée de la place de la femme dans le couple. Et qu'une partie des féminicides sont le fruit d'une "escalade" de violences habituelles.

Un soir de juillet près d'Angers, le mari de Coralie, 33 ans, la frappe à coups de latte de lit et de matraque télescopique. Le lendemain il appelle les secours car elle est inconsciente. Devant les secours qui la trouvent couverte d'ecchymoses il évoquera une "dispute". Il a été mis en examen pour coups mortels aggravés.

Roland Coutanceau, psychiatre qui a soigné des auteurs, souligne l'importance des "signaux clignotants" qui peuvent annoncer un meurtre, comme le harcèlement de plus en plus poussé.

Près de Tours, Stéphanie avait déposé plusieurs mains courantes contre Jean-Michel, agent de maintenance SNCF de 40 ans, après leur séparation. Elle disait avoir "l'impression d'être suivie": il avait piraté ses boîtes mail, la suivait et avait emménagé dans la même résidence qu'elle, où il a fini par l'égorger fin mars.

Autre "clignotant" pour M. Coutanceau, le non respect des décisions de justice. En avril près de Draguignan, Anthony, infirmier, est venu abattre Dalila, alors que son contrôle judiciaire lui interdisait de rentrer en contact avec elle.

Dans 40% des cas, les auteurs se suicident ou font une tentative de suicide. M. Lopez y voit la confirmation de la carence narcissique. "L'auteur pense: +Sans elle je ne suis plus rien. Je me tue ou je la tue, ça revient au même, tout s'écroule+".

Mais il y a aussi ceux "qui ne sont pas capables de supporter ce qu'ils ont fait et pour qui c'est un moyen d'échapper à leurs responsabilités", souligne la colonelle Lejeune.

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