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Argentine: le droit à l'avortement devra attendre malgré la mobilisation

Alors que les députés l'avait approuvée, le Sénat a rejeté jeudi la légalisation de l'Interruption volontaire de grossesse (IVG), une revendication qui s'est heurtée à la résistance de l'Eglise, puissante, au pays du pape François.

Des incidents isolés ont éclaté devant le parlement à Buenos Aires après l'annonce des résultats du vote, quelques manifestants ont été interpellés.

Sur la place du Congrès, après l'annonce des résultats du vote, les mines des militants pro-IVG étaient dépitées, les larmes coulaient sur les visages des partisans de la légalisation de l'avortement.

Déçue, Camila Sforza, 21 ans, tentait de faire contre mauvaise fortune, bon cœur: "Cela ne fait que commencer. Tout ce mouvement va continuer jusqu'à obtenir l'IVG. Cette question est dans tous les esprits, on va y arriver", a-t-elle déclaré à l'AFP.

- "Rageant" -

Ces deux dernières années, les mouvements féministes ont donné un élan considérable à la revendication du droit à l'avortement en Argentine, conduisant le président argentin de centre-droit Mauricio Macri à ouvrir le débat au parlement, pour la première fois de l'histoire du pays sud-américain. Mauricio Macri est pourtant opposé à l'IVG.

"Etre si proche de la légalisation, et qu'elle se dérobe, c'est rageant", a déclaré Mailén, une manifestante de 24 ans.

"L'avenir n'est pas au +non+. Tôt ou tard, les femmes obtiendront la réponse nécessaire. Plus tôt que tard, le +oui+ s'imposera", a estimé le sénateur Miguel Angel Pichetto, favorable à l'IVG.

Pour Amnesty International, l'Argentine passe à côté "d'une opportunité historique pour le droit des femmes".

Les pro-IVG étaient massivement rassemblés depuis mercredi matin aux abords du Congrès, brandissant les foulards verts, symbole des revendications d'avortement légal, libre et gratuit.

"Souvenez-vous de ces noms", lançait une jeune femme en regardant sur un téléviseur s'afficher les noms des sénateurs qui ont rejeté le texte.

Trente-huit sénateurs ont dit "non" au texte autorisant l'IVG pendant les 14 premières semaines de grossesse, 31 ont voté en faveur et deux se sont abstenus, selon les résultats officiels qui se sont affichés sur l'écran géant du Sénat.

- "Triomphe des deux vies" -

Du côté des pro-IVG, une poignée de manifestants isolés ont incendié des palettes contre une des deux rangées de grilles séparant les camps du "oui" et du "non" au projet de loi, lancé des pierres et des bouteilles sur les policiers anti-émeutes. La police a riposté par des tirs de canon à eau et de grenades lacrymogènes.

Le vote a été accueilli par des feux d'artifice et des cris de joie parmi les militants anti-IVG rassemblés près du parlement, dont le slogan était "Sauvons les deux vies", celle de la femme enceinte et celle du foetus.

"La démonstration est faite, l'Argentine est pro-vie pour toujours, nous sommes ici pour défendre la vie, pour défendre l'enfant", témoigne Mariana Rodriguez Varela.

"Nous sommes heureuses car c'est une fête de la démocratie, le triomphe des deux vies", dit pour sa part Ayelen Caffarena.

"Ce vote du sénat nous donne un temps de réflexion pour faire des propositions humanistes dans le cadre de grossesses de femmes en difficulté. Il n'y a ni vainqueur, ni vaincu", a déclaré à l'AFP l'évêque Alberto Bochatey, chef de file de la mobilisation anti-IVG pour L'Eglise.

Le prélat qualifie de "moderne" la position du mouvement anti-avortement et lui oppose les pratiques abortives, selon lui "de vieilles lois du siècle passé" qui doivent être remplacées par des "propositions du 21e siècle et pas des vieilles propositions de mort du 20e siècle".

- Un référendum? -

"Avortement légal, à l'hôpital", ont entonné sans relâche des milliers d'adolescentes et de jeunes femmes, grimées de vert, pendant que les sénateurs débattaient.

D'après les estimations, 500.000 avortements sont pratiqués chaque année en Argentine, dans des cliniques privées ou dans des conditions d'hygiène très précaires selon la situation écononomique.

Le 14 juin, à la chambre des députés le texte avait été adopté de justesse par 129 voix pour, et 125 contre.

Le Sénat est plus conservateur, car chacune des 24 provinces dispose de trois représentants quel que soit son poids démographique. La capitale et la province de Buenos Aires, plus favorables à l'IVG, y sont sous-représentées alors qu'elles abritent plus du tiers de la population du pays.

Le député de la coalition gouvernementale Cambiemos (Changeons) Daniel Lipovetzky, évoque la possibilité de convoquer un référendum. "Quand les députés pensent d'une manière et les sénateurs d'une autre. Cela mérite peut-être un système de démocratie directe. C'est possible qu'on le propose".

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