Accueil Actu

Arménie: l'opposant Pachinian élu Premier ministre, le peuple fait la fête

Des dizaines de milliers d'Arméniens faisaient la fête mardi dans les rues de la capitale Erevan après la nomination du chef de l'opposition Nikol Pachinian au poste de Premier ministre dans cette ex-république soviétique du Caucase du Sud.

M. Pachinian a été élu mardi à ce poste clé par le Parlement de l'Arménie, après trois semaines de protestations antigouvernementales dans le pays.

Seul candidat en lice, ce député d'opposition et ancien journaliste, qui se présente comme le "candidat du peuple", a été soutenu par 59 députés, alors qu'il avait besoin de 53 voix pour être élu. Quarante-deux députés ont voté contre lui.

"A partir de maintenant, plus personne ne pourra violer les droits et les libertés du peuple arménien", a lancé M. Pachinian, venu après le vote saluer les dizaines de milliers de ses partisans réunis sur la place de la République, au coeur d'Erevan et haut lieu de la contestation antigouvernementale.

Ceux-ci scandaient en retour "Nikol! Nikol!" et agitaient des drapeaux arméniens, alors que beaucoup de jeunes dansaient sur des airs de musique populaire.

- 'Jour historique' -

"Je suis si heureuse (...)! C'est un jour historique!", a déclaré à l'AFP Gohar Haroutiounian, une employée spécialisée dans la finance de 39 ans.

Il s'agissait du deuxième vote du Parlement arménien en huit jours sur la candidature de M. Pachinian, 42 ans. L'opposant avait été mis en échec le 1er mai, ses adversaires du Parti républicain au pouvoir, disposant de 58 sièges sur 105, ayant alors fait bloc contre lui.

Quelques heures après le vote, mardi, le président arménien Armen Sarkissian a signé un décret officialisant la nomination de Nikol Pachinian comme Premier ministre.

Le chef du gouvernement dispose de pouvoirs élargis en Arménie après une réforme constitutionnelle, alors que le président remplit désormais des fonctions essentiellement honorifiques.

Depuis le 13 avril, Nikol Pachinian mobilisait des dizaines de milliers d'Arméniens pour manifester pacifiquement contre le Parti républicain et l'ancien président Serge Sarkissian (2008-2018), devenu pour quelques jours Premier ministre et acculé à la démission, accusés de ne pas avoir lutté efficacement contre la pauvreté et la corruption.

"Nous sommes toujours contre la candidature de Nikol Pachinian, mais le plus important pour nous est d'assurer la stabilité dans le pays", a déclaré peu avant le vote le chef du groupe parlementaire du Parti républicain, Vagram Bagdassarian.

Les Républicains ont donc décidé d'assurer 11 voix à M. Pachinian pour permettre son élection, mais leur majorité a voté contre pour exprimer leur opposition à sa candidature, a-t-il expliqué.

Selon des analystes interrogés par l'AFP, les députés du parti au pouvoir ont fait volte-face afin de maintenir leur contrôle sur le Parlement, celui-ci étant automatiquement dissous s'il échouait à élire le Premier ministre pour la deuxième fois consécutive.

Le président russe Vladimir Poutine a félicité dans un télégramme M. Pachinian, espérant qu'il saura "renforcer les relations amicales et d'alliés" entre les deux pays aux forts liens économiques. La Russie dispose également d'une base militaire en Arménie.

- 'Tourner la page' -

"La première chose que je devrais faire après mon élection sera d'assurer une vie normale dans le pays", a déclaré M. Pachinian mardi, lors de son discours devant le Parlement avant le vote.

"Il n'y aura pas de corruption en Arménie. Et le pays pourra tourner une fois pour toutes la page des persécutions politiques", a-t-il affirmé.

Son avènement ne devrait pas mettre pour autant fin à la crise secouant depuis la mi-avril ce pays de 2,9 millions d'habitants, puisque ses adversaires du Parti républicain disposeront toujours de la majorité au Parlement, préviennent les analystes interrogés par l'AFP.

Cette cohabitation ne va pas durer, estime l'analyste Viguen Akopian, qui croit à une rapide convocation d'élections législatives anticipées. Un scrutin que le très impopulaire Parti républicain est quasiment certain de perdre, selon les analystes.

M. Pachinian est parvenu en trois semaines à se construire une popularité fondée sur la lutte contre la corruption, un mal que Transparency International qualifie d'"endémique" dans ce pays indépendant depuis 1991.

La fronde lancée mi-avril, que M. Pachinian qualifie de "révolution de velours", est restée pacifique: aucune violence n'a émaillé les manifestations auxquelles il a appelé.

A l'origine de cette crise politique sans précédent, l'élection de l'ex-président Serge Sarkissian au poste de Premier ministre. Un geste qui avait provoqué l'ire populaire, les manifestants l'accusant de s'accrocher au pouvoir après avoir échoué à lutter contre la corruption et la pauvreté pendant une décennie passée à la tête de l'Arménie.

À lire aussi

Sélectionné pour vous