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Assassinat d'Ali Boumendjel: une "avancée" vers la "réconciliation", selon son petit-fils

"C'est un grand pas pour notre famille et pour les milliers d'autres qui ont vécu les mêmes atrocités" pendant la guerre d'Algérie: au lendemain de la reconnaissance par le président Macron de l'assassinat par l'armée française du dirigeant nationaliste algérien Ali Boumendjel, son petit-fils salue une "avancée" vers la "vérité" et la "réconciliation".

"Il faut que la vraie vérité rejoigne l'Histoire", réagit mercredi Mehdi Ali Boumendjel, interrogé par l'AFP dans un quartier du centre de Paris. Silhouette de deux mètres, costume cintré et barbe rasée de près, ce designer de 32 ans au regard franc parle avec gravité de la journée de mardi.

"Ma grand-mère Malika Boumendjel s'est battue toute sa vie pour la reconnaissance de la torture et de l'assassinat de son mari, qui jusqu'à hier était maquillées en suicide, mais pas que, parce que Ali Boumendjel n'est pas seul", lance Mehdi Ali Boumendjel, rappelant que sa grand-mère a aussi perdu pendant cette période "son père, son frère et un ami de son mari", portés disparus.

La guerre d'indépendance entre les nationalistes algériens et l'armée française (1954-1962), qui a mis fin à la période coloniale en Algérie (1830-1962), a été marquée par des atrocités, des deux côtés, et a durablement traumatisé les sociétés algérienne et française.

Mardi, le président Emmanuel Macron a reconnu, "au nom de la France", que l'avocat Ali Boumendjel avait été "torturé et assassiné" par l'armée française en 1957. "Au cœur de la Bataille d’Alger, il fut arrêté par l'armée française, placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957", a détaillé la présidence française dans un communiqué. En 2000, "Paul Aussaresses (ancien responsable des services de renseignement à Alger, NDLR) avoua lui-même avoir ordonné à l'un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide".

M. Macron, premier président français né après la guerre d'Algérie, a lui-même annoncé cette reconnaissance aux petits-enfants d'Ali Boumendjel en les recevant mardi. Etaient présents à cette rencontre Mehdi Ali Boumendjel, sa sœur et leurs deux cousins.

- "Pour les générations futures" -

"Emmanuel Macron m'a regardé dans les yeux (...) j'ai ressenti la compassion dans son regard et dans son message", a commenté M. Boumendjel. Selon lui, le président "semble être en train de traiter ce sujet de manière directe". "La manière dont le président s'est adressé à nous, cela m'a donné de l'espoir; je l'ai vécu comme une position courageuse et une avancée vers cette vérité".

"En tant que citoyen algérien et citoyen français qui a grandi en France, j'ai vu différents présidents se succéder, aborder le sujet mais sans jamais y mettre officiellement un nom... j'ai trouvé le discours du président encourageant et je pense que c'est une avancée vers cette réconciliation", commente M. Boumendjel.

"Cet aveu de la France est également un espoir pour les milliers d'autres familles qui ont vécu une souffrance similaire pendant la guerre d'Algérie. Il faut continuer à se battre pour que les noms de ces disparus ne restent pas dans l'oubli", ajoute-t-il.

"Coïncidence", ce 2 mars 2021 était aussi l'anniversaire de la veuve d'Ali Boumendjel, Malika, décédée en août 2020 et qui aurait eu 102 ans.

"C'était un moment émouvant pour la famille parce qu'on a pensé à elle en son jour d'anniversaire" et un "moment de tristesse aussi parce qu'elle s'est battue toute sa vie pour cette vérité". Malika Boumendjel et "l'un de ses fils qui est décédé ont sacrifié leurs vies pour cette vérité et c'est mon héritage", souligne M. Boumendjel.

"Le message principal" de la famille lors de la rencontre avec M. Macron a "aussi été de dire que Ali Boumendjel n'était pas le seul, et ce message a été entendu et confirmé par M. le président".

En tant que "jeune immigré qui a grandi en France et qui s'est construit une vie ici", Mehdi Ali Boumendjel - arrivé en France à l'âge de huit ans avec sa famille - juge que le sujet "complexe" de la guerre d'Algérie et de ses atrocités doit être "géré pour les générations futures".

"C'est très tard mais ce n'est pas trop tard", lance-t-il à propos de la reconnaissance par la France de l'assassinat de son grand-père.

"Hier, je l'ai vécu comme une forme de libération, qui ne va pas effacer le crime, ni ce que cela a pu être pour nos parents qui ont été détruits par cette histoire; nous avons été détruits par cette histoire...", dit-il. "Il faut protéger les futures générations et leur expliquer ce qui a été fait par le passé et ce qu'il ne faut pas commettre" à l'avenir.

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