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Assises de la Somme: les aveux atypiques de Jacques Rançon dans l'affaire Mesnage en question

La cour d'assises de la Somme s'est penchée jeudi sur les aveux de Jacques Rançon pour le meurtre d'Isabelle Mesnage, sur lesquels il s'est rétracté et qui, pour la défense, coïncident mal avec les faits, avant d'écouter sa compagne de l'époque, qui en a tracé un portrait ambigu.

Ces aveux, intervenus en juin 2019, à la septième et dernière audition de garde à vue de Jacques Rançon, mis en cause pour ce "cold case" datant de 1986, ont pris les enquêteurs par surprise.

Laure Brunel-Dupin, analyste comportementale de la gendarmerie, a décrit des "aveux qui arrivent d'un coup", sous une forme "assez rare", sans le moindre changement de ton.

Au beau milieu des aveux, le suspect "a eu un moment d'arrêt et demandé s'il devait inventer. Nous lui avons dit non pas d'inventer mais de continuer son récit", a indiqué Hervé Gobourg, gendarme ayant dirigé les investigations relancées en 2018 après l'établissement d'un lien possible entre le meurtre d'Isabelle Mesnage et les crimes commis à Perpignan par Jacques Rançon, en 1997 et 1998.

- "Pas des aveux à tout prix" -

Il avait finalement raconté avoir violé Isabelle Mesnage dans sa voiture, l'avoir étranglée, puis avoir découpé son sexe et ses seins pour effacer son ADN. Il avait répété ses aveux devant le juge d'instruction, avant de se rétracter par courrier, affirmant avoir avoué pour qu'on le laisse tranquille.

"Ce n'était pas les aveux à tout prix", a assuré Hervé Gobourg.

Mais "dans ces aveux, je trouve beaucoup de Moktaria Chaïb", l'une des deux victimes de Perpignan, "et pas beaucoup d'Isabelle Mesnage", a lancé pour la défense Me Xavier Capelet.

Les enquêteurs lui ont répété "36 fois" que les mutilations des corps de Moktaria et d'Isabelle étaient strictement identiques, accuse-t-il, pointant qu'Isabelle n'a pas eu les seins coupés, ou en tout cas pas entièrement.

Les photos des deux corps mutilés ont été diffusées, ainsi qu'une carte matérialisant la proximité du lieu de découverte du corps d'Isabelle et de ceux d'une tentative d'enlèvement et d'un viol commis par Jacques Rançon.

Les avocats de l'ancien cariste de 61 ans soutiennent que la seconde enquête a été conduite à charge contre le "tueur de la gare de Perpignan", condamné à la réclusion à perpétuité en 2018.

- Nounours -

Plusieurs témoignages sont venus compléter jeudi le portrait de cet homme décrit depuis mardi comme taiseux, "fruste", "primaire", cédant à ses pulsions sexuelles.

Des amis de jeunesse ont au contraire un homme surnommé "Nounours", "gentil" et "serviable".

Un ami affirmant être son "confident" à l'époque s'est souvenu que ce timide qui se trouvait trop gros "pleurait (quand une fille le rejetait) en disant qu'aucune ne voudrait jamais sortir avec lui, comme un enfant qui n'a pas son jouet".

Sa compagne en 1986 et mère de son premier enfant, Carole, que l'accusé a décrit mardi comme un "grand amour", trace un portrait bien plus ambigu.

D'une voix douce, elle commence par dépeindre un Rançon "gentil" au début de leur relation et dit qu'il l'a "bousculée une seule fois".

Puis, interrogée par Didier Seban pour les parties civiles, se souvient qu'il l'a giflée parce qu'elle a regardé un "ex". Poussée dans l'escalier quand elle était enceinte. Poursuivie en voiture quand elle l'a quitté, puis guettée derrière un arbre et étranglée.

Elle assure en revanche ne jamais avoir subi de violences sexuelles.

Une ancienne victime, Virginie, a, elle, fourni par visioconférence un témoignage glaçant: Jacques Rançon l'a étranglée dans un parc d'Amiens une nuit d'août 1999, avant d'essayer de la charger dans sa voiture.

Pour tenter de se sauver, elle le laisse lui caresser la poitrine. Alors "il me dit +va-t-en, va-t-en vite+", a-t-elle raconté, encore traumatisée.

"Je suis désolé de ce que je lui ai fait", s'est excusé l'accusé, poings sur les hanches, sans laisser paraître d'émotion.

Mais à Me Seban qui lui demande s'il ne tire jamais de leçon de ses condamnations, alors qu'il avait déjà été condamné avant ces faits pour un viol avec arme et pour avoir menacé un femme avec un couteau, il répond: "je ne pense pas".

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