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Assurance chômage: la réforme à l'épreuve du Conseil d'Etat

Audience technique, mais gros enjeu: le Conseil d'Etat examine jeudi les recours contre la réforme de l'assurance chômage des syndicats, qui espèrent obtenir a minima sa suspension avant son entrée en vigueur prévue le 1er juillet.

Toutes les grandes centrales ont déposé des recours contre le décret du 30 mars qui réforme les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi, à l'exception de la CFTC, qui tout en étant opposée à la réforme, a estimé qu'il n'y avait pas de "fondement juridique".

Les syndicats sont déterminés à obtenir l'annulation de cette réforme qu'ils ne cessent de dénoncer comme "injuste" et "anachronique". Décidée en 2019 dans un marché de l'emploi alors dynamique, elle a déjà été plusieurs fois repoussée avec la crise liée au Covid-19 et "adaptée" au contexte.

L'audience en référé sur les demandes de suspension du décret, prévue à 14h30, pourrait durer plusieurs heures. Et la décision devrait intervenir quelques jours après.

Si le Conseil d'Etat décide de suspendre la réforme, son entrée en vigueur serait à nouveau reportée, une première victoire pour les syndicats. L'instance devrait en parallèle examiner les recours sur le fond, avec une décision attendue à l'automne, de source syndicale, se rapprochant ainsi encore davantage de l'élection présidentielle.

"S'il ne suspend pas, on sait que tout n'est pas perdu", observe un responsable syndical, tout en soulignant que dans un tel scénario, "on peut être un peu plus pessimistes" car l'instance administrative rechigne à remettre en question des dispositions déjà en vigueur, car cela créerait des recalculés.

Au gouvernement, on se veut serein, convaincu que la réforme "tient la route" et déplorant que les discussions aient "quitté le champ du débat rationnel".

L'exécutif défend un "enjeu d'équité", le système actuel étant plus favorable à ceux qui alternent contrats courts et inactivité qu'à ceux qui travaillent en continu.

Interpellée mardi à l'Assemblée par Boris Vallaud (PS) sur cette réforme dénoncée comme "brutale", la ministre du Travail, Elisabeth Borne, s'est étonnée de la défense d'un "système injuste qui enferme des centaines de milliers de travailleurs dans la précarité".

- "Ignominie" -

Selon l'Unédic, jusque 1,15 million de personnes qui ouvriront des droits dans l'année suivant le 1er juillet toucheraient une allocation mensuelle plus faible (de 17% en moyenne) avec dans le même temps une "durée théorique d'indemnisation" allongée (14 mois en moyenne contre 11 avant la réforme).

Les syndicats attaquent principalement la mesure phare de la réforme: le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR), base de l'allocation. Ce nouveau mode va pénaliser les demandeurs d'emploi alternant chômage et activité, "les permittents".

Le Conseil d'Etat avait annulé un premier décret en novembre, en estimant que cela pouvait créer une "différence de traitement disproportionnée" entre deux demandeurs d'emploi ayant travaillé une même durée mais selon un rythme différent.

Le gouvernement a en conséquence revu sa copie en plafonnant les jours non travaillés pris en compte, ce qui limite la baisse de l'allocation. Il affirme que le nouveau calcul, couplé à l'instauration d'un bonus-malus sur les cotisations chômage dans certains secteurs, sera plus équitable et limitera les recours abusifs aux contrats courts.

Et il a aussi rédigé un décret rectificatif, paru mercredi au Journal officiel, pour corriger des "effets non voulus" en défaveur des personnes ayant connu des périodes de rémunérations inhabituelles (activité partielle, congés maternité, maladie...).

Mais les syndicats estiment que les inégalités de traitement persistent malgré ce décret correctif, jugé fragile juridiquement par l'Unédic, et dénoncent, à l'instar de la CFDT, une réforme qui "va engendrer un nombre colossal de perdants", ou "une ignominie en pleine crise de l'emploi" pour la CGT.

Ils ont multiplié les "cas-types" de "ruptures d'égalité" entre demandeurs d'emploi, l'Unédic montrant ainsi dernièrement, à la demande de FO, que les salariés qui travaillent pour des employeurs multiples, comme les assistantes maternelles, pourraient aussi y perdre.

Ils contestent en outre d'autres mesures, désormais soumises à une clause de "retour à meilleure fortune", dont le durcissement de 4 à 6 mois de travail pour l'ouverture et le rechargement des droits.

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