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Fraude fiscale: condamné à quatre ans ferme, Patrick Balkany dormira en prison

Une peine rare pour sanctionner une fraude fiscale "intolérable" : le maire de Levallois-Perret Patrick Balkany, 71 ans, dormira vendredi soir en prison après sa condamnation à quatre ans ferme.

Le baron des Hauts-de-Seine est arrivé à la maison d'arrêt de la Santé à Paris dans une voiture banalisée, a constaté un journaliste de l'AFP.

Selon une source proche du dossier, l'ancien député sera placé en détention au quartier "pour personnes vulnérables", "qui n'est en aucun cas un quartier VIP". Ce quartier spécifique accueille notamment des fonctionnaires de police, des élus et des hommes soupçonnés d'infractions à caractère sexuel.

Ses avocats ont dénoncé une peine "inédite" et "qui bat tous les records". Ils ont immédiatement fait appel et déposé une demande de mise en liberté, selon une source judiciaire. Cette demande sera examinée par la cour d'appel de Paris, qui doit statuer dans les deux mois.

Le tribunal correctionnel de Paris a suivi les réquisitions du parquet national financier (PNF), condamnant des infractions "d'autant plus intolérables" qu'elles ont été commises par des élus. Des manquements qui ont "aggravé la déchirure désormais ancienne du pacte républicain, et ce quand bien même nul argent public n'a formellement été détourné".

Les juges ont souligné le "rôle prépondérant assumé délibérément" par le maire LR "dans la mise en œuvre de cette fraude fiscale massive afin de léser les intérêts d'une République française dont il se disait pourtant le fidèle serviteur". Ils ont tancé son "indéniable enracinement, sur une longue période, dans une délinquance fortement rémunératrice".

Son épouse et première adjointe Isabelle a été condamnée à trois ans de prison ferme, au-delà des réquisitions du PNF, mais sans mandat de dépôt, le tribunal tenant compte de son état de santé. Elle n'avait pas assisté au procès, convalescente après une tentative de suicide début mai.

C'est amaigrie et parfois chancelante qu'elle a assisté au délibéré. A l'énoncé du mandat de dépôt, elle s'est approchée pour enlacer son mari. Les policiers venus emmener Patrick Balkany ne l'ont toutefois pas menotté dans l'enceinte de la salle, comble.

- "Impunité fiscale" -

"C'est une première qu'une fraude fiscale personnelle, familiale, soit sanctionnée par un mandat de dépôt. Je pensais que pour qu'il y ait un mandat de dépôt, il fallait soit que le prévenu puisse aller je ne sais où - or je vous rappelle que nous n'avons pas de passeport depuis cinq ans - soit que le prévenu présente un danger pour l'ordre public", a réagi Mme Balkany, 71 ans, lors d'un point presse improvisé à la mairie de Levallois. Elle a également fait appel.

Le couple a en outre été condamné à dix années d'inéligibilité et dix ans d'interdiction de gérer une société.

Il s'agit du premier des deux jugements attendus après le procès ultra-médiatique du printemps: pour le second volet, consacré aux délits de blanchiment et de corruption, le délibéré a été fixé au 18 octobre.

Le jugement a choqué une partie des habitants de Levallois-Perret, commune huppée de l'ouest parisien que Patrick Balkany dirige presque sans interruption depuis 1983. "Il n'a tué personne !", s'est indignée une commerçante.

Le tribunal a jugé les élus coupables de tout ce qui leur était reproché: n'avoir pas payé d'ISF entre 2010 et 2015, malgré des actifs estimés pour chaque année à 16 millions d'euros minimum, et avoir déclaré des revenus amplement sous-évalués entre 2009 et 2014.

Au total, les sommes éludées sont estimées par le fisc à plus de 4 millions d'euros d'impôts sur le revenu et la fortune, un montant contesté par la défense.

Pour la justice, le couple aurait notamment dû déclarer la luxueuse villa Pamplemousse de Saint-Martin, qu'Isabelle Balkany a tardivement reconnu posséder, mais aussi un somptueux riad à Marrakech. Cette maison se trouve au coeur du second volet du procès: les élus nient l'avoir achetée mais les juges la considèrent donc d'ores et déjà comme leur propriété.

Les élus "ont intentionnellement minoré la valeur vénale du moulin de Cossy (leur maison normande, NDLR) et dissimulé à l'administration fiscale la propriété de la villa Pamplemousse et celle de la villa de Marrakech, ainsi que les avoirs financiers correspondants en ayant recours à une kyrielle de sociétés extra-territoriales à même de leur garantir l'anonymat inhérent à l'impunité fiscale", a résumé le tribunal.

Entre colères noires, ton hâbleur et longues digressions sur sa ville, Patrick Balkany avait reconnu quelques "fautes" fiscales mais vanté une "vie à servir les autres".

Il avait affirmé que le couple avait "mangé" son capital issu notamment d'héritages dissimulés en Suisse et jamais déclarés et évoqué l'écoulement de lingots d'or légués par son père.

Mais selon le tribunal, "nulle pièce du dossier n'est venue confirmer l'existence de ces fonds familiaux".

Le second jugement, le 18 octobre, s'annonce plus risqué encore pour Patrick Balkany, contre qui sept ans de prison, l'incarcération immédiate et la confiscation de tous ses biens ont été requis.

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