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Au procès du 13-Novembre, sur la piste des achats d'explosifs

Voitures louées à son nom, téléphone laissé à son domicile. Au procès du 13-Novembre, une enquêtrice a détaillé mercredi deux voyages en France liés à la fabrication d'explosifs et expliqué pourquoi elle les impute à Salah Abdeslam, en l'absence de l'intéressé.

Six mois après l'ouverture de ce procès-fleuve, la cour d'assises spéciale de Paris se plonge depuis plusieurs jours sur la logistique entourant les attaques jihadistes qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis.

Après avoir décortiqué les différents préparatifs les mois précédant les attentats - location de planques pour les membres des commandos de retour de Syrie, de véhicules pour les rapatrier en Belgique, confection de faux papiers, recherche d'armes - la cour remonte la piste des explosifs.

Le 4 septembre 2015, un homme se présente dans un magasin "Les Magiciens du feu" dans une commune du Val d'Oise. Il achète "douze boîtiers récepteurs et une télécommande", un système de mise à feu d'artifices à distance, rapporte l'enquêtrice antiterroriste française, témoignant par visioconférence.

Douze jours après les attentats, le vendeur reconnaît dans un reportage télévisé le client "atypique" qui a payé en liquide les près de 400 euros d'achats et refusé une facture. Son nom figure sur le permis de conduire dont il a gardé la photocopie: Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos, activement recherché par les polices européennes.

Il sera interpellé après quatre mois de cavale. Six ans plus tard, le principal accusé est absent du box: il refuse depuis la veille de comparaître en raison de "difficultés" liées au changement d'escorte policière, selon l'une de ses avocates, Olivia Ronen.

A l'enquêtrice, voile flou sur le grand écran de la salle d'audience, Me Ronen n'a qu'une question sur ces achats: ont-ils servi le soir du 13-Novembre? "Non, ils n'ont pas été utilisés" et aucune trace n'en a été retrouvée, en convient la témoin.

- "Hypothèse" et "certitude" -

Les 15 litres d'oxygène actif achetés en France le 8 octobre, lors d'un voyage à Beauvais imputé là aussi à Salah Abdeslam, ont eux en toute "hypothèse" servi à la confection des neuf gilets explosifs des commandos, souligne l'enquêtrice.

Elle relie cet achat à la cellule jihadiste grâce à un élément retrouvé lors d'une perquisition chez l'un des accusés, emprisonné en Turquie et jugé en son absence: une feuille de papier, avec l'adresse et les horaires d'ouverture du magasin, ainsi que la marque du produit à acheter.

"Naturellement", l'enquête s'intéresse à Salah Abdeslam: c'est lui qui a loué sous sa vraie identité le véhicule qui a servi à cet achat mais aussi à aller chercher en Allemagne trois membres de la cellule de retour de Syrie, et son téléphone était inactif, pointe la témoin.

Pour expliquer cette "absence d'activité" pendant plusieurs heures, "l'hypothèse" est que Salah Abdeslam a laissé son téléphone "allumé à son domicile" le temps de réaliser cet achat, poursuit la policière.

"Ca me paraît un peu flou votre raisonnement", s'agace Me Ronen. En matière de téléphonie, "il y a toujours ce souci récurrent" de l'exploitation de "données lacunaires dont on ne peut pas déduire grand chose", ajoute l'avocate.

La défense de Salah Abdeslam s'était déjà montrée offensive vendredi quand il avait été question de plusieurs trajets en voiture en Europe pour aller chercher les futurs auteurs des attentats, qui lui sont, là aussi, imputés notamment en raison de l'inactivité de sa ligne habituelle.

L'enquêtrice s'est-elle intéressée à d'autres périodes d'inactivité du téléphone de Salah Abdeslam avant d'interpréter cela "en sa défaveur", veut savoir Olivia Ronen. Cette "hypothèse" qu'il était le chauffeur "n'a pas gagné en solidité depuis" qu'elle a été émise, estime l'avocate.

"J'en ai la certitude", rétorque la policière antiterroriste. Et Salah Abdeslam n'a jamais affirmé le contraire, ajoute-t-elle.

"On attend la semaine prochaine avec impatience alors", sourit Me Ronen.

Salah Abdeslam doit être interrogé sur son rôle dans les préparatifs des attentats le 15 mars.

Cette deuxième phase d'interrogatoires sur le fond du dossier commence jeudi avec l'accusé Ali El Haddad Asufi.

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