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Au procès du Français Tyler Vilus, cadre de l'EI, la vie avant le jihad

Dissertant avec aisance et volubilité dans le box des accusés, le jihadiste français Tyler Vilus a fait part lundi à la cour d'assises d'appel de Paris de ses réflexions sur le parcours qui l'a mené jusqu'au conflit syrien et au groupe Etat islamique, et de son évolution personnelle depuis son arrestation.

A la fois combattant, chef d'escouade, prosélyte en ligne, recruteur et membre de la police de l'EI selon l'accusation, ce "jihadiste intégral" doit répondre de crimes commis entre 2013 et 2015 en Syrie. Interpellé en 2015 à Istanbul, il a été condamné à trente ans de prison en première instance.

"Emir" à la tête d'un bataillon de plusieurs dizaines de combattants français dès l'été 2013, Abou Hafs Al Faransi - son nom de guerre - avait rejoint la même année les rangs de l'ultraviolente "brigade des immigrés" de l'EI, une escouade de jihadistes étrangers - français et belges pour la plupart - qui sévissait dans les environs d'Alep. Un "groupe de copains" qui torture, massacre et décapite dans la bonne humeur d'une "colonie de vacances", d'après le témoignage de la femme d'un d'entre eux interrogée par les renseignements français.

Cette fois, au cours de cette première journée d'audience consacrée à l'examen de sa personnalité, le jeune homme de 31 ans aux cheveux bruns tressés livre à la cour une analyse du cheminement qui l'a conduit jusqu'aux atrocités de l'organisation extrémiste.

"A 21 ans, quand je suis rentré dans l'islam, j'avais peut-être pas le recul nécessaire pour faire la part des choses. Je suis rentré dans l'islam par la version la plus rigoriste qu'on pouvait trouver", estime désormais ce converti à l'imposante carrure, plus important cadre de l'EI à être détenu par la France et familier de plusieurs protagonistes des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

Lors de son premier procès en 2020, la cour d'assises l'avait déclaré coupable de tous les chefs d'accusation. Elle avait toutefois choisi de ne pas prononcer la peine maximale - la réclusion à perpétuité - pour lui laisser une chance d'"évoluer", considérant qu'il avait commencé à questionner son fanatisme mortifère.

Durant une heure et demie d'interrogatoire, les avants-bras appuyés avec assurance sur la barre de verre devant lui, c'est un Tyler Vilus prolixe qui relate et commente les différentes phases de sa vie avant le jihad.

- Virage brutal -

D'origine antillaise par son père, élevé principalement par sa mère - qui ira le rejoindre dans la guerre en Syrie -, Tyler Vilus grandit entre le nord-est et le sud-ouest de la France. Affecté de la maladie de Crohn, une inflammation chronique du système digestif, celui qui tient son prénom d'un des personnages du feuilleton télé américain des années 80 "Fame", est régulièrement hospitalisé jusqu'à l'adolescence.

Ses séjours à l'hôpital lui font souvent manquer les cours. Il décroche et, à 16 ans, sort totalement du système scolaire sans être parvenu au niveau du brevet.

Pendant les cinq ans qui suivent, il "bouge", "voyage", "fait un peu de musique", "etc etc...". "On a cru comprendre que vous faisiez un certain nombre de trafics pour vivre ?", complète le président.

Tyler Vilus se sent dériver, sans but dans la vie. Alors en 2011, ce jeune homme élevé dans la foi chrétienne se convertit soudain à l'islam, après une rencontre avec un imam. "J'étais dans une recherche de stabilité et j'ai découvert l'islam. C'est une religion qui pose un cap, un cap assez strict."

Le petit délinquant cesse aussitôt de boire de l'alcool, de fumer du cannabis. Il part s'installer dans la Tunisie post-révolution où bourgeonnent de nombreux mouvements jihadistes.

Ce n'est que là-bas, raconte-t-il, qu'il découvre le salafisme jihadiste et ses filières de combattants allant se jeter dans le bain de sang syrien. Une voie qu'il ne tarde pas à emprunter à son tour.

"Je suis encore musulman aujourd'hui, je suis encore pratiquant aujourd'hui mais j'ai évolué sur certaines conceptions de ma religion", explique aux juges Tyler Vilus, polo à manches courtes porté sur un jean délavé.

"On ne vous reproche pas d'être musulman, lui fait remarquer le président de la cour d'assises spéciale. On vous reproche d'avoir été membre d'une organisation terroriste."

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