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Au procès du viol du "36", la plaignante sous un feu nourri de questions

Chaque imprécision, contradiction, détail a été décortiqué: Emily Spanton, qui accuse deux policiers de l'avoir violée au 36 Quai des orfèvres en avril 2014, a subi vendredi aux assises de Paris un interrogatoire poussé sur sa version des faits.

Jugés pour "viol en réunion" depuis le 14 janvier, Nicolas R. et Antoine Q. ont de nouveau clamé leur innocence jeudi en racontant à la cour ce qu'il s'est passé, selon eux, dans la nuit du 23 avril, entre 00H40 et 02H00. Une version très éloignée de celle de la plaignante. Le verdict doit être rendu le 1er février.

"Ces deux accusés sont jugés pour des faits criminels, ils encourent 20 ans de réclusion", a rappelé vendredi l'avocat général Philippe Courroye en s'adressant à la Canadienne Emily Spanton.

- "Je vous le demande solennellement: vous avez conscience de la gravité des accusations que vous portez? Les maintenez-vous?"

- "Yes. J'ai été violée. C'était ces deux hommes ici", a répondu en français la plaignante, en montrant les accusés du doigt.

Le représentant de l'accusation, qui n'a rien laissé passer aux policiers lors de leurs interrogatoires, venait d'assaillir Emily Spanton de questions. "Alors comment on vous a enlevé des collants?", "Est-ce que vous avez crié?", "Avez-vous dit à une serveuse (du pub où Emily Spanton a rencontré les policiers, ndlr) que vous aviez fait une fellation consentie?", "Les serveuses disent que vous avez perdu le contrôle de l'orgie. Est-ce vrai?".

- "Rôles inversés" -

Assez calme, Emily Spanton a répondu la voix parfois étranglée par l'émotion, en triturant un mouchoir dans ses mains.

Elle affirme avoir été violée par les deux accusés et un troisième homme qui n'a pas été identifié. Les faits se seraient déroulés dans deux bureaux de la BRI (Brigade de recherche et d'intervention), dans ce qui était alors le siège de la police judiciaire parisienne.

Ces hommes l'auraient forcée à boire un grand verre de Scotch, puis elle se serait retrouvée à genoux. Fellations et pénétrations vaginales forcées se seraient succédé.

"Vous vous entendiez bien avec Nicolas R.. Vous aviez flirté, pourquoi il commencerait par vous frapper, vous contraindre?", interroge Sébastien Schapira, avocat de ce policier. "Je ne sais pas", répond Emily Spanton. "Quand j'ai bu le verre d'alcool, son attitude a changé".

"Vous n'entendez rien pendant ces dizaines de minutes (pendant le viol dénoncé, ndlr)?", demande Marion Grégoire, également avocate de Nicolas R.. "Le seul bruit dont je me souvienne, c'est celui du clic de l'appareil photo et du déchirement de l'emballage du préservatif". "On se demande comment cela a pu être silencieux", rebondit l'avocate.

Anne-Laure Compoint, conseil d'Antoine Q., détaille chaque étape du viol tel qu'il a été dénoncé par Emily Spanton. "Combien de temps dure la pénétration?", interroge-t-elle notamment. "Vous décrivez des faits de violence. C'est dur de rester à genoux, avec un sexe dans la bouche. (...) On vous pénètre, on vous tient et vous avez une éraflure millimétrique au bras droit ?".

Les avocats de la partie civile sont eux sortis excédés de cette journée d'audience. "Les rôles sont inversés!", a dénoncé Sophie Obadia après les débats. Emily Spanton "a été entendue au total (depuis avril 2014, ndlr) près de 50 heures. C'est exceptionnel qu'en France, on puisse considérer qu'une victime doive répéter à l'infini les mêmes accusations".

Pour elle, dans ce procès, ce n'est pas parole contre parole, car il y a des "éléments objectifs". Il est par exemple toujours difficile de comprendre comment l'ADN d'Antoine Q. a pu être retrouvé au fond du vagin de sa cliente. Les accusés peinent aussi à expliquer des SMS ou encore une vidéo filmée dans la nuit à 01H16, au "36", et qui a été effacée.

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