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Au procès Méric, des skinheads "inquiets" face à des "agresseurs"

"On a eu peur": les skinheads impliqués dans la mort de l'antifasciste Clément Méric en 2013 ont affirmé lundi aux assises de Paris avoir cherché à se "protéger" de militants d'extrême gauche à l'initiative, selon eux, de la rixe mortelle.

Ils ont évoqué une question de "fierté", regretté l'issue "malheureuse" de la bagarre, mais surtout, les accusés et leurs anciennes petites amies se sont décrits comme "menacés" voire "traqués" par le camp adverse, suscitant tour à tour l'ironie et la colère de l'accusation et des parties civiles.

Ce 5 juin 2013, à 18H43, Clément Méric, étudiant de 18 ans, s'écroule, mortellement blessé, lors d'une brève bagarre entre antifascistes et skinheads, en marge d'une vente privée de vêtements.

Deux skinheads, Esteban Morillo et Samuel Dufour, sont jugés depuis une semaine pour coups mortels en réunion et avec arme et encourent 20 ans de prison. Un troisième, Alexandre Eyraud, comparaît pour violences et risque cinq ans d'emprisonnement.

Très vite, Morillo a reconnu avoir porté deux coups - à poings nus - à Méric. Dufour affirme s'être battu, mais pas avec Méric. Eyraud, lui, assure n'avoir frappé personne.

Cinq ans plus tard, l'un des enjeux du procès est de savoir si les skinheads étaient ou pas armés de poings américains et de déterminer quel groupe est à l'origine de l'affrontement.

- "Des renforts" -

A la barre, Lydia Da Fonseca, cheveux longs noirs et bras tatoués, raconte d'une voix atone son "inquiétude" quand, à la vente privée, ses amis sont "pris à partie". "Quelqu'un est venu vers nous et nous a dit: +Ne faites pas trop d'achats, on va être dix à vous attendre en bas et vous allez devoir courir+", dit l'ex-petite amie d'Alexandre Eyraud.

Les skinheads alertent un vigile qui "va dire aux antifas de quitter la vente". "Mais on regardait par la fenêtre et on voyait bien qu'ils restaient là", affirme-t-elle.

A ce moment-là, ils sont trois à la vente. Prévenu, Morillo les rejoint, suivi au moins d'un autre skinhead. Sa compagne de l'époque, Katia Veloso, alors membre du groupuscule d'ultradroite Troisième voie, affirme: "Esteban était un peu effrayé, il a décidé d'y aller".

Elle aussi se rend sur place: de 11 ans son aînée, elle espère pouvoir "raisonner Esteban" et "éviter tout ça": qu'il "se fasse frapper", se reprend-elle.

"Vous avez clairement organisé les renforts", rétorquent les parties civiles, rappelant qu'elle a contacté neuf personnes.

La présidente veut savoir pourquoi, s'ils ont si peur, avoir tourné à gauche en sortant de la vente et pas à droite comme leur conseillait un vigile, ce qui leur aurait permis de ne pas croiser le groupe adverse.

"Ils n'avaient pas envie de se cacher. On a une fierté des fois", avance Lydia Da Fonseca. "La question était de ne pas se retrouver avec les agresseurs dans le dos", raisonne Alexandre Eyraud.

Comment expliquer que le groupe de skinheads semble, selon la vidéosurveillance, se diriger vers l'autre groupe? Les accusés ont affirmé avoir longé les "antifas" et avoir été "attaqués" alors qu'ils allaient "vers le métro".

Samuel Dufour part le premier: "A un moment je vérifie derrière moi et Esteban ne me suit plus. Il discute avec Clément Méric". Il dit se retrouver face à l'antifa Matthias Bouchenot qui lui "décroche une droite, direct". "Après c'est parti en vrille."

Au contraire, les skinheads "étaient en file indienne, et se sont positionnés une fois arrivés en face de nous, pour cogner", a affirmé vendredi Matthias Bouchenot.

Dans la soirée, Dufour - qui affirme à la barre n'avoir porté que des bagues - se vante dans un SMS avoir utilisé un "poing américain" et avoir "défoncé" les antifascistes. "J'ai dû vouloir me vanter."

Comme Alexandre Eyraud, il a un souvenir brumeux de cette fin de journée. Et personne ne semble se rappeler ce qui s'est dit dans la soirée, passée au bar de Serge Ayoub, figure tutélaire de l'ultradroite parisienne.

L'interrogatoire des accusés se poursuit mardi. Verdict vendredi.

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