Accueil Actu

Baptême réussi pour les premières femmes sous-marinières françaises

Un bol d'eau de mer et une coupe de champagne: comme toute nouvelle recrue, Camille, Pauline et Harmonie ont eu droit à leur "baptême" à bord du sous-marin nucléaire Le Vigilant. Une première pour des femmes, à qui la Marine française vient d'ouvrir cette filière très fermée.

"Deux mois et demi sous l'eau, c'est possible, et c'est passionnant!", s'enthousiasme Camille, 29 ans, de retour de sa première patrouille à bord d'un sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE), au poste-clé de chef de quart. Avec elle à bord, trois autres femmes: un médecin et deux officiers énergie.

"La nouveauté, par rapport à une frégate, c'était le lien à sens unique avec l'extérieur", raconte la jeune femme sur le pont de l'imposant submersible noir à L'Ile Longue, dans la rade de Brest, à la pointe ouest de la France.

Une fois par semaine, les familles sont autorisées à envoyer 40 mots à leur proche parti dans les profondeurs, sans espoir de réponse. "On s'y était préparés et tout s'est bien passé", sourit-elle.

Le métier de sous-marinier a tout du sacerdoce: un enfermement volontaire de plusieurs semaines sous les mers, avec 110 personnes dans un espace de la taille d'un terrain de foot, coupé du monde. Exception faite du commandant, l'équipage du submersible ignore sa destination.

Une voie jusqu'ici réservée aux hommes: les sous-marins nucléaires étaient le dernier bastion non mixte de la Marine. Leur ouverture en France au personnel féminin est désormais une réalité, comme aux Etats-Unis (depuis 2012) et en Grande-Bretagne (2014).

"Je suis prête à repartir", assure Harmonie, 27 ans, adjointe au chef sécurité sur le SNLE. A son poste, "on a la charge des installations qui permettent de faire plonger le bateau", explique l'ingénieure, "fière d'avoir intégré la famille des sous-mariniers".

Cette petite révolution, qui épouse le mouvement de fond d'une féminisation de tous les secteurs professionnels, a également pour objectif d'élargir le vivier de recrutement pour ce métier si particulier.

"La Marine a besoin de personnel. Elle a aujourd'hui 15% de femmes dans ses rangs, c'est un atout et nous voulons continuer à en recruter pour armer nos bateaux", commente le commandant de l'escadrille des quatre SNLE français, le capitaine de vaisseau Christian Houette.

- 'Dubitatifs' -

Triées sur le volet, les quatre premières recrues féminines ont suivi un cursus spécialisé de deux ans avant d'embarquer.

Pauline, médecin généraliste de 31 ans, a dû s'initier à la chirurgie et à la médecine dentaire pour parer aux urgences à bord du sous-marin. Une évacuation sanitaire qui force à remonter à la surface, et c'est toute une mission basée sur la discrétion qui coule.

"Forcément, il y a une petite appréhension: on est le seul médecin à bord, on porte une grande responsabilité sur nos épaules", confie-t-elle.

De l'avis du commandement, l'expérimentation est une réussite, malgré certaines réticences au départ.

"Quelques membres d'équipage étaient un peu dubitatifs, pour des questions d'ordre très pratique, ils voulaient savoir si ça allait bouleverser leurs habitudes de vie à bord: couchages, sanitaires...", explique le capitaine de frégate Mathieu, commandant en second du Vigilant. Sans compter les inquiétudes des conjointes de sous-mariniers, "indéniablement".

Mais "au final, l'intégration s'est déroulée de manière extrêmement fluide, juge-t-il. En obtenant leur qualification, ces personnels féminins ont gagné leur place à bord au même titre que n'importe quel marin".

A part une douche réservée, l'accueil de quatre femmes à bord du SNLE n'a pas nécessité d'aménagement particulier, les officiers jouissant de quartiers séparés.

Pour féminiser les équipages de sous-marins d'attaque (SNA), beaucoup plus exigus, il faudra attendre la prochaine génération de type Barracuda, conçue en amont pour accueillir un équipage mixte.

"On souhaite y aller progressivement. Il faut se laisser le temps d'appréhender le changement à bord, de tirer des leçons", souligne le capitaine de vaisseau Houette.

Grimper dans la hiérarchie en étant mère impliquera des sacrifices, prévient-il: "Chez les sous-mariniers, les coupures dans le cursus de commandement opérationnel sont difficiles au-delà d'un ou deux ans".

L'expérimentation suit son cours: une deuxième patrouille féminisée de SNLE partira à la mer à l'automne.

À lire aussi

Sélectionné pour vous