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Boulogne-sur-Mer, "terre argentine de coeur" dans le Nord français

Pour nombre de Français, Boulogne-sur-Mer est avant tout un important port de pêche et... la ville d'origine de la star du foot tricolore Frank Ribéry. Vu d'Argentine, c'est plutôt l'endroit où San Martin, héros de l'Indépendance, mourut. Un bout de l'Histoire nationale, en plein cœur de l'Europe.

Mardi 17 mai, l'hymne argentin résonne alors qu'est inaugurée une stèle commémorant la tragédie de l'ARA San Juan, un sous-marin argentin disparu le 15 novembre 2017 avec 44 membres d'équipage, dont l'épave a été localisée un an plus tard, par plus de 900 m de fond, au large de la Patagonie.

A quelques mètres de là, une massive statue de bronze, sur un piédestal en pierre, montre le général San Martin, "portant un drapeau sur un cheval au trot, avec à ses pieds : +La République+ lui offrant une couronne de laurier", décrit le site internet de l'office du tourisme local.

C'est en effet à Boulogne-sur-Mer, à une cinquantaine de kilomètres des côtes britanniques, que José de San Martin poussa son dernier soupir, 34 ans après que ce brillant stratège militaire eut permis aux "Provinces unies de la Plata" de devenir définitivement indépendantes du royaume d'Espagne en 1816.

Deux siècles plus tard, chaque commune argentine ou presque dispose d'une "plaza San Martin", agrémentée parfois d'une rue ou d'une avenue consacrée au héros.

"Pour les Argentins, (Boulogne-sur-Mer) est un lieu de visite obligatoire car c'est là que le libérateur de l'Argentine, du Chili et du Pérou est mort", dit à l'AFP Carolina Ghiggino, responsable de la section culturelle de l'ambassade d'Argentine en France.

Une ville de 70.000 habitants de la grande banlieue de Buenos Aires porte même le nom de la cité française.

Pour l'Association générale des amicales de sous-mariniers, qui a fait construire deux stèles en l'honneur des hommes de l'ARA San Juan -- la première a été inaugurée en 2021 sur la base militaire de Mar del Plata --, édifier la seconde à Boulogne-sur-Mer, "terre argentine de cœur", relevait de l'évidence, relate le contre-amiral à la retraite Dominique Salles.

Dans cette ville, "l'écho" de la tragédie de l'ARA San Juan a "résonné" encore plus fort en raison de "l'histoire intime" qui la lie "à la grande figure du général San Martin", confirme la première adjointe au maire, Mireille Hingrez-Céréda.

- Légion d'honneur -

Boulogne-sur-Mer, l'un des principaux ports de pêche de France, dont la vieille ville est riche de vieilles pierres, n'était pourtant pas le premier choix du héros.

Lorsqu'il s'exila en Europe en 1824 pour échapper aux luttes politiques du jeune Etat argentin, José de San Martin vécut d'abord à Londres et à Bruxelles, raconte Carlos Ariel Kirilinko, le conservateur de la Casa San Martin, l'ancienne maison dans le centre de Boulogne-sur-Mer du général, devenue musée en son honneur.

Après un bref voyage en Argentine en 1829, il s'installa ensuite à Paris de 1830 à 1848, mais en partit après qu'une insurrection populaire provoquât la chute de Louis-Philippe, le dernier roi à avoir régné en France, suivie de l'avènement de la seconde république française et d'un bain de sang quelques mois plus tard, poursuit l'ex-officier argentin âgé de 72 ans.

"San Martin décide de venir sur la côte [de la Manche, la mer faisant face au Royaume-Uni] pour pouvoir aller à Londres si la situation se complique en France. Lui et sa famille arrivent à Boulogne, le port le plus important de France à l'époque", narre le conservateur.

Il n'en repartira pas, et y mourra le 17 août 1850 à l'âge de 72 ans. Sa dépouille, embaumée, sera acheminée trente ans plus tard en Argentine.

En 1909, Boulogne-sur-Mer inaugure la première statue en Europe du héros, en présence de sa petite-fille Josefa Dominga, à qui la France décernera plus tard la Légion d'honneur pour son rôle à la tête d'un hôpital pendant la Première Guerre mondiale.

Jumelage avec La Plata, ville située à 50 km de Buenos Aires, échanges étudiants, activités culturelles, hommages à San Martin tous les 17 août au pied de sa statue... la petite ville française de 40.000 âmes cultive depuis plus d'un siècle son attachement avec l'Argentine, qu'enracine encore la stèle à peine inaugurée.

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