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Maldives: le président en position de force, l'ONU s'inquiète

Un haut responsable de l'ONU a qualifié mercredi "d'attaque en règle contre la démocratie" la répression en cours aux Maldives, petit archipel touristique de l'océan Indien, où le président Abdulla Yameen semblait avoir remporté son bras de fer avec la Cour suprême.

Le Conseil de sécurité des Nations unies doit évoquer jeudi la situation aux Maldives au cours d'une réunion à huis-clos, a-t-on appris de source diplomatique.

Le micro-État de près de 340.000 habitants a plongé ces derniers jours dans le chaos politique, après que la haute juridiction a infligé un camouflet au régime maldivien en cassant les condamnations de neuf éminents opposants.

Refusant d'appliquer l'arrêt, le gouvernement a décrété l'état d'urgence, fait arrêter deux juges de la Cour suprême et obtenu mardi soir des trois magistrats restants de l'institution qu'ils reviennent sur leur décision.

Les rues de la capitale Malé sont restées calmes mercredi, avec une présence policière limitée et aucun signe de nouvelles manifestations de l'opposition comme celles de la semaine dernière.

Mais forte des dispositions de l'état d'urgence, la police a continué à procéder à des arrestations, détenant trois proches d'un juge de la Cour suprême et le fils d'un opposant en exil.

Le haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a estimé que "ce qui se passe actuellement (aux Maldives) s'apparente à une attaque en règle contre la démocratie".

Dans cette condamnation, la plus forte émise par la communauté internationale, il estime que "la suspension de plusieurs fonctions judiciaires et parlementaires, ainsi que les restrictions sur une série de droits constitutionnels, créent une dangereuse concentration de pouvoir dans les mains du président".

L'opposition en exil, rassemblée derrière l'ex-chef de l'État Mohamed Nasheed, a appelé à une intervention militaire indienne et à un blocage financier américain pour renverser le pouvoir en place.

Face à la volatilité de la situation, nombre de pays - dont la France, la Chine et l'Inde - ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre dans l'archipel, dont l'image est associée aux plages paradisiaques de sable blanc et à la mer bleu turquoise.

- 'Conspiration' -

Si l'Inde s'est dite "perturbée" par les nouvelles en provenance de Malé, New Delhi ne semblait pas envisager d'action musclée, selon la presse locale de mercredi. En 1988, dans le cadre de l'"opération Cactus", elle avait dépêché des troupes pour faire échouer une tentative de coup d'État contre l'autocrate Maumoon Abdul Gayoom.

Le Parlement, où l'opposition détient désormais la majorité sur le papier, est suspendu.

"Le président Yameen a illégalement décrété la loi martiale et s'est emparé de l'État", a pour sa part estimé Mohamed Nasheed, président de 2008 à 2012 et qui vit entre la Grande-Bretagne et le Sri Lanka pour échapper à une peine de 13 ans de prison pour "terrorisme".

Dans une allocution télévisée mardi, Abdulla Yameen a justifié son coup de force par l'existence d'une "conspiration" qui le menacerait.

"J'étais dans l'obligation de décréter l'état d'urgence car il n'y avait aucun autre moyen d'enquêter sur ces juges. Nous devions d'abord suspendre leur autorité et leur immunité. Car nous devions découvrir jusqu'où va la conspiration ou le coup" d'État, a fait valoir le président de cette république sunnite.

L'opposition soutient que le pouvoir en place "vend" le pays à la Chine, qui y investit massivement et a récemment signé un accord de libre-échange. Elle l'a aussi accusé de laisser proliférer l'islamisme.

"La Chine s'est toujours tenue à ne pas intervenir dans les affaires intérieures d'autres pays", a déclaré mercredi le ministère des affaires étrangères chinois, en réponse aux accusations de protection du président Yameen.

La Cour suprême maldivienne avait annulé jeudi les condamnations des neuf opposants, dont l'emblématique Mohamed Nasheed, en estimant que celles-ci étaient d'une "nature contestable et avaient des motivations politiques". Elle avait ordonné la tenue de nouveaux procès.

Depuis son élection controversée en 2013, Abdulla Yameen mène une répression féroce contre ses détracteurs ou ses alliés tombés en disgrâce. Les responsables de l'opposition sont pour la plupart en exil ou derrière les barreaux et la société civile est muselée.

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