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Colombie: nouvelle grande manifestation contre le gouvernement

Plusieurs milliers de personnes, dont des indigènes, des étudiants et des enseignants, manifestaient mercredi en Colombie lors d'une nouvelle journée de mobilisation contre le gouvernement de droite du président Ivan Duque.

Il s'agit de la quatrième "grève nationale", convoquée aussi à l'appel des syndicats, pour accroître la pression sur le chef de l'Etat, au pouvoir depuis août 2018 et dont la popularité a chuté à 38%.

Cette fois, la foule dénonce le regain de la violence dans des régions reculées du pays, depuis l'accord de paix de 2016 avec la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).

"Nous vivons une guerre que nous n'avons pas voulue, une guerre avec laquelle nous ne sommes pas d'accord et, comme femme et mère, je proteste parce que je n'ai pas mis mes enfants au monde pour la guerre", a déclaré à l'AFP Sandra Melo, une tricoteuse de 35 ans, arborant un masque au crochet contre le nouveau coronavirus.

A Bogota, épicentre de la protestation, les manifestants ont défilé dans les rues à pied et en "chivas" (autocars multicolores traditionnels), scandant des slogans hostiles au gouvernement.

- Contre la guerre -

Quelque 7.000 indigènes participent à cette manifestation, après être arrivés dimanche du Cauca, région du sud-ouest du pays très affectée par près de 60 ans de conflit et par les groupes armés impliqués dans le trafic de drogue.

Depuis le 10 octobre, ils demandent à rencontrer personnellement le chef de l'Etat et se sont déplacés jusqu'à Bogota suite à son refus.

La mobilisation contre le gouvernement, d'une ampleur inédite en Colombie, a débuté en novembre 2019. Mais elle avait été interrompue par les vacances de fin d'année, suivies d'un confinement général de cinq mois à partir du 25 mars pour enrayer la propagation de la covid-19.

Outre le mécontentement populaire, Ivan Duque est confronté à la détérioration de l'économie et de la sécurité, sur fond de pandémie qui a fait à ce jour près de 30.000 morts dans ce pays de 50 millions d'habitants.

Au son des tambours et des flûtes indigènes, les manifestants munis de masques contre le virus se sont rassemblés place Bolivar, au coeur historique de la capitale, près du palais présidentiel et du parlement.

"Il y a une conjonction de causes (...) liée à la forme selon laquelle ce gouvernement a géré la protestation, par la stigmatisation et la remise en cause", selon Felipe Botero, professeur de sciences politiques de l'université des Andes.

- 68 massacres cette année -

Les enseignants s'opposent en outre à la reprise des cours quand le pays approche du million de cas de covid-19 et réclament l'application d'accords conclus l'an dernier avec le ministère de l'Education.

Les indigènes, qui représentent 4,4% de la population et sont les plus touchés par la pauvreté (59,6%), ont rallié Bogota pour leur plus importante démonstration de force des dernières années.

"Pas plus de morts, de sang versé, de massacres, de faim!", a lancé sous couvert d'anonymat une autochtone de 70 ans.

De son côté, Brayan Trujillo, 25 ans, est conscient que "la santé est menacée" avec cette mobilisation en pleine pandémie. "Mais si nous sortons pas, ils vont continuer à nous tuer, à tuer les indigènes, à tuer les paysans", a dénoncé cet étudiant en administration.

La violence s'est notamment traduite par 68 massacres depuis début 2020, selon l'observatoire indépendant Indepaz.

Des experts estiment que le gouvernement a failli en ne prenant pas le contrôle des anciens fiefs des Farc, que se disputent aujourd'hui des gangs, des dissidents de l'ex-rébellion et l'Armée de libération nationale (ELN), dernière guérilla active.

- Marche d'ex-guérilleros -

A la mobilisation de mercredi s'ajoute une marche d'anciens guérilleros partis du sud pour rallier Bogota le 1er novembre et dénoncer les assassinats de 234 d'entre eux.

"Nous allons demander à dialoguer avec le président (Ivan) Duque afin qu'il nous dise si son gouvernement est en condition de garantir la vie des Colombiens ou s'il va maintenir la tendance de son parti à inciter à la guerre", a déclaré à l'AFP Pastor Alape, dirigeant de la Force alternative révolutionnaire commune (Farc), parti politique fondé par l'ancienne rébellion.

De précédentes manifestations avaient eu lieu en septembre contre la brutalité policière après la mort d'un homme aux mains des forces de l'ordre.

Les Colombiens s'opposent aussi à la pauvreté (35,7% en 2019) et aux inégalités accrues par la pandémie dans ce pays, qui est déjà le plus inégalitaire des 37 membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).

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