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Devant les sénateurs, Benalla répond a minima

"Je ne pourrai pas répondre" : Alexandre Benalla, ex-collaborateur d'Emmanuel Macron, s'est obstinément refusé lundi à donner suite aux principales questions du Sénat sur ses passeports, en se retranchant derrière l'instruction judiciaire en cours, suscitant l'agacement et la mise en garde des parlementaires.

Arrivé à 14H00 accompagné d'une nuée de photographes et caméras, Alexandre Benalla a d'abord admis avoir commis "un certain nombre d'erreurs" puis affirmé qu'il n'avait "pas menti" lors de sa première audition devant cette même commission d'enquête, le 19 septembre, lorsqu'il avait affirmé que ses passeports diplomatiques étaient "à l'Élysée".

Mais, une fois ce propos liminaire achevé, M. Benalla s'est refusé à répondre à de nombreuses questions des sénateurs: "information judiciaire en cours" et "droit à la non auto-incrimination", a-t-il fait valoir.

L'ex-chargé de mission est mis en examen pour des violences sur des manifestants à Paris, le 1er mai et, depuis vendredi, pour utilisation abusive de passeports diplomatiques après son licenciement.

"La personne qui refuse de déposer devant une commission d'enquête est passible de deux ans d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende", lui a rappelé, menaçant, Philippe Bas (LR), président de la commission. Le co-rapporteur, Jean-Pierre Sueur (PS), a souligné que le silence de M. Benalla "engendre le soupçon".

Que ce soit à propos des passeports diplomatiques, des passeports de service, de ses activités actuelles ou de ses déplacements en Afrique postérieurs à son licenciement, l'ex-employé de l'Élysée, apparaissant sûr de lui, a le plus souvent botté en touche.

- Ni noms, ni fonctions -

Le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, Patrick Strzoda, entendu mercredi au Sénat, avait chargé M. Benalla en révélant notamment qu'il avait utilisé "presque une vingtaine de fois" ses passeports après son licenciement de l'Elysée, entre le 1er août et le 31 décembre.

"23 fois", a rectifié crânement le jeune homme de 27 ans, "pour justifier simplement de mon identité", s'est-il justifié.

M. Benalla a assuré avoir restitué les passeports diplomatiques "à la demande de la présidence de la République et du ministère des Affaires étrangères (...) dans le courant du mois d'août 2018". Il a indiqué que ces passeports lui avaient "été rendus à nouveau début octobre 2018 (...) avec un certain nombre d'éléments personnels". Avoir voyagé avec était une "connerie", a-t-il concédé.

Depuis sa première audition en septembre, de nouvelles questions s'étaient accumulées, au fur et à mesure d'autres révélations sur les activités de l'ex-proche collaborateur d'Emmanuel Macron, notamment en Afrique où il a rencontré le président tchadien Idriss Déby.

Là encore, Alexandre Benalla a répondu a minima. "J'ai avisé des personnes de l'ensemble de mes déplacements à l'étranger", a-t-il indiqué, évoquant "des membres de la présidence de la République", mais refusant de détailler leurs identités ou leurs fonctions.

Concernant son déplacement au Tchad, l'Elysée n'avait pas été informé en amont. Les voyages de M. Benalla à l'étranger n'avaient "aucun rapport" avec ses précédentes fonctions à l'Elysée, a-t-il assuré.

- "Aucun secret" -

De même, alors que Patrick Strzoda avait affirmé la semaine dernière que M. Benalla avait été en possession de deux passeports de service, soupçonnant que l'un d'eux ait été obtenu, le 28 juin 2018, via une "falsification", l'ancien chargé de la sécurité du candidat Macron a opposé le silence et le secret de l'instruction.

"Je ne détiens aucun secret. Aucun secret sur qui que ce soit. Je ne fais aucun chantage", a seulement affirmé l'ex-collaborateur de M. Macron. Le chef de l'Etat avait lui-même assuré en juillet devant des députés de la majorité, que "personne n'a jamais été protégé".

Après l'audition, Philippe Bas a jugé qu'il y avait "beaucoup d'invraisemblances" et de "contradictions" dans le dossier, estimant que la question d'une éventuelle "protection" de l'ex-collaborateur de l'Elysée n'était pas "résolue complètement" lundi.

"Nous sommes allés jusqu'au bout", a conclu pour sa part le sénateur PS Patrick Kanner.

Les parlementaires ont ensuite auditionné, là-aussi pour la deuxième fois, Vincent Crase, un ex-employé du parti présidentiel LREM et chef d'escadron dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie, qui a demandé en vain être entendu à huis clos.

Lors de la première audition, les sénateurs s'étaient efforcés de cerner les fonctions exactes de M. Benalla à l'Élysée et le rôle qu'il avait pu avoir dans la protection du président, normalement du ressort exclusif de services spécialisés de l'État.

Le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a reconnu dimanche des "dysfonctionnements", notamment à l'Élysée, qui doivent être réglés car ils sont "insupportables et incompréhensibles pour les Français".

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