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France: le Docteur Péchier, l'anesthésiste soupçonné de 24 empoisonnements dont 9 mortels a été jugé

La cour d'appel de Besançon a maintenu mercredi le Dr Frédéric Péchier, soupçonné de 24 empoisonnements dont neuf mortels, en liberté sous contrôle judiciaire, ont annoncé les avocats de la défense et des parties civiles à la presse.

A l'issue de quatre heures de débats et d'une heure de délibéré, les magistrats de la chambre de l'instruction de la cour d'appel ont ainsi de nouveau laissé l'anesthésiste libre, comme il l'est depuis sa première mise en examen dans cette affaire, prononcée en mars 2017 pour sept premiers cas d'empoisonnement.

Selon Me Jean-Yves Le Borgne, l'un des avocats du médecin, "la chambre de l'instruction a purement et simplement confirmé la décision qui avait été prise au mois de mai par le juge des libertés et de la détention" (JLD), juste après sa seconde mise en examen, le 16 mai.

La JLD avait alors laissé le médecin en liberté sous contrôle judiciaire, maintenant l'interdiction d'exercer prononcée dès 2017 et en y ajoutant une obligation d'éloignement de la région de Besançon. "C'était ce que nous sollicitions, c'était ce que nous espérions, c'était dans notre esprit ce que l'équité" mais aussi "le droit et la procédure pénale française commandaient", s'est félicité Me Le Borgne.


"Il y a encore beaucoup d'actes d'investigation à accomplir"

Selon l'avocat, la cour d'appel n'a apporté "aucune modification" par rapport à la décision du JLD dont le parquet de Besançon avait immédiatement interjeté appel. Pour Me Randall Schwerdorffer, ténor du barreau bisontin et autre défenseur du Dr Péchier, ce dernier "a été très soulagé par la décision".

"On a eu un juge des libertés et de la détention courageux" et "une chambre de l'instruction très juridique", a-t-il poursuivi. "Nous vous le disons avec force, le Dr Péchier est présumé innocent (...), c'est un dossier en l'état sans preuves, il y a encore beaucoup d'actes d'investigation à accomplir", a-t-il enchaîné.

Selon Me Stéphane Giuranna, l'un des avocats des parties civiles, la cour a estimé que le médecin avait certes "commis quelques entorses à son contrôle judiciaire", lui conseillant "de ne pas y revenir". Mais "elle a décidé de ne pas se déjuger" puisque cette même cour l'avait déjà laissé en liberté sous contrôle judiciaire en 2017, a-t-il ajouté.


Rappel des faits

Frédéric Péchier a été mis en examen par deux fois pour 24 événements indésirables graves (EIG), comme le jargon médical qualifie ces accidents opératoires : d'abord en mars 2017 pour sept premiers cas, dont deux mortels, puis le 17 mai pour 17 autres empoisonnements, parmi lesquels sept décès.

A l'issue de cette deuxième mise en examen, il a été laissé libre sous contrôle judiciaire avec maintien de l'interdiction d'exercer. L'appel du parquet de Besançon, qui avait requis son incarcération, est examiné mercredi par la cour d'appel de Besançon.

Personne n'a vu le médecin trafiquer les poches d'anesthésiants. Mais le procureur de la République Etienne Manteaux et les enquêteurs en ont la conviction : le médecin "est le dénominateur commun" des 24 EIG survenus à la clinique Saint-Vincent de Besançon entre 2008 et 2017.

Pour preuve, selon M. Manteaux, "l'omniprésence" du médecin lors des incidents et ses diagnostics étonnamment précis lors des réanimations. Ou encore le fait que les EIG, qui ont cessé depuis qu'il n'exerce plus, se produisaient toujours pendant les périodes de conflit avec ses collègues.


Les victimes présumées

Elles ont de 4 à 80 ans, toutes opérées pour des interventions bénignes. Parmi elles, le cas de Jean-Claude Gandon, 72 ans, mort le 20 janvier 2017 sur la table d'opération, retient particulièrement l'attention : il est le seul EIG survenu au Dr Péchier, pointe une source proche du dossier.

Une mise en scène pour les enquêteurs, qui soupçonnent l'anesthésiste d'avoir sciemment empoisonné son propre patient le lendemain de l'ouverture de l'enquête. L'objectif? Se forger un alibi en montrant qu'il avait lui aussi été victime d'un empoisonnement de ses poches.

"La pollution des poches a été faite grossièrement", contrairement aux 23 autres cas, pointe Me Frédéric Berna, avocat des proches du septuagénaire, qui voit dans ce cas "l'un des points forts du dossier" qui "met très clairement en difficulté la défense du Dr Péchier". "Hypothèse subjective des enquêteurs qui ne repose sur rien de concret", balaie de son côté l'un des avocats de l'anesthésiste, Me Randall Schwerdorffer.

Une ancienne collègue anesthésiste soupçonne également M. Péchier d'avoir voulu l'empoisonner lors d'une opération. Ce cas, pour lequel le médecin n'est pas mis en examen, est catégoriquement réfuté par la défense.


Quel mode opératoire?

La pollution volontaire "des poches de soluté de réhydratation ou (...) de paracétamol avec des anesthésiques locaux ou du potassium". Des doses potentiellement létales qui ont provoqué chez la plupart des patients "des arrêts cardiaques", selon M. Manteaux.

"Nous avons affaire à un professionnel particulièrement habile qui a agi lorsque personne ne se trouvait dans les salles d'anesthésie et qui a su varier dans le temps la nature des poisons" pour "ne pas éveiller les soupçons", a assuré le magistrat.


Quel mobile?

Pour les enquêteurs, l'anesthésiste est un "pompier-pyromane": empoisonner pour administrer l'antidote. Il s'agissait de provoquer des complications chez les patients de ses collègues pour être celui qui les sauve en faisant la double démonstration de son propre talent et de l'incompétence des autres anesthésistes.

Une expertise, contestée par la défense, évoque sa personnalité "organisée sur un mode pervers, avec une composante narcissique" qui alimente "légitimement (...) une suspicion".

Une source proche du dossier suggère, elle, de regarder du côté de l'adolescence poitevine du médecin : dans les années 80, son père, également anesthésiste, travaillait à l'hôpital de Poitiers dans un service où trois médecins ont été jugés, et acquittés, pour un EIG mortel.


Que dit la défense?

Que Frédéric Péchier est innocent, comme il le clame depuis le début. Après avoir crié au complot de collègues voulant lui faire endosser leurs erreurs, il a fini par reconnaître que des empoisonnements volontaires avaient eu lieu à Saint-Vincent. Sans dire qui en est l'auteur.

Ses avocat crient à "l'emballement judiciaire" et fustigent un dossier construit sur des "hypothèses". Et "à force d'hypothèses, on finit par écrire un mauvais roman policier", ironise Me Schwerdorffer.

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