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Durcissement pour les écoles hors contrat: débat sensible à l'Assemblée

Plus de contrôle pour les écoles libres hors contrat: l'Assemblée a commencé à débattre mercredi, dans un contexte à vif, d'une proposition de loi centriste venue du Sénat, soutenue par le gouvernement comme un outil contre "l'embrigadement" islamiste, mais jugée insuffisante à gauche.

La "marche blanche" en mémoire de Mireille Knoll, octogénaire dont le meurtre a ravivé les inquiétudes sur l'antisémitisme, avait reporté en soirée le début de l'examen des quatre articles et 69 amendements.

"Le contexte actuel doit nous donner encore plus d'ardeur à voter une loi comme celle-ci", a estimé le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, allusion aussi aux attentats de l'Aude. "On prend à bras-le-corps un problème qui ne l'a pas été jusqu'à présent", a-t-il affirmé, au grand dam des socialistes, souhaitant "être efficace pour la prochaine rentrée" même si "une loi ne peut pas tout".

S'il a réaffirmé l'attachement aux lois de la IIIème République sur le choix de l'enseignement (Falloux, etc), il a jugé nécessaire de modifier le régime d'ouverture, "complexe", "incomplet" et "obsolète" face à la "hausse exponentielle" des ouvertures et aux "nouvelles menaces", un constat partagé.

Plusieurs orateurs, de droite ou LREM, ont évoqué l'école Al Badr à Toulouse et le "refus d'obtempérer" du directeur à une décision de fermeture.

L'enseignement libre hors contrat comptait 74.000 élèves à la rentrée 2017 - sur un total de 12 millions. Des effectifs en forte progression, comme le nombre d'établissements. Si les Insoumis y ont vu un effet d'un "désengagement de l’État" dans l'école publique, des LR ont pointé des "insuffisances, parfois, de l'enseignement public".

Les écoles hors contrat ne reçoivent aucun argent public, leurs professeurs n'ont pas d'obligation de diplômes et si elles peuvent s'affranchir des programmes (contrairement aux écoles privées sous contrat), elles restent soumises à des inspections d'Éducation nationale.

- Fichés S -

Le texte prévoit un dispositif de déclaration unifié pour ouvrir un tel établissement, sous l’égide de l’autorité académique, chargée de transmettre le dossier au maire, au préfet et au procureur.

Pour s'opposer à une ouverture, le délai a été allongé à trois mois, la liste des motifs étoffée, avec l’intérêt de l’ordre public, le respect des conditions requises pour ouvrir et diriger un établissement, la notion de protection de l’enfance et de la jeunesse -substituée à celle de l’hygiène et des bonnes mœurs.

Les sanctions sont alourdies si un établissement brave une opposition: amende doublée, à 15.000 euros, six mois de prison et fermeture de l’école possibles.

La proposition affirme le principe d'un contrôle annuel et prévoit que les services de l'Éducation nationale devront prévenir les autorités s'il apparaît entre autres que l'enseignement est contraire à la moralité ou aux lois.

Le ministère "se donnera les moyens de rendre ce contrôle systématique" via les rectorats, a promis Jean-Michel Blanquer. "Le contrôle doit être mené d'une main ferme et sans naïveté", a exhorté Annie Genevard (LR), pariant que "certaines écoles offriront un parfait visage d'écoles Potemkine".

Comme la majorité LREM-MoDem, satisfaite du "juste équilibre" et appuyée par les UDI-Agir-Indépendants, les LR ont défendu la "savante combinaison entre la liberté d'enseignement, protégée par la Constitution, et le contrôle". Il ne faut "pas s'immiscer dans les choix pédagogiques", a néanmoins plaidé Patrick Hetzel (LR). "Attention à ne pas bafouer, sous couvert de lutter contre l'islamisme, la liberté d'enseignement", a déclaré Emmanuelle Ménard, élue avec le soutien du FN.

Mais le dispositif n'est "pas à la hauteur", selon la gauche, "au milieu du gué" malgré des "avancées" pour Marie-George Buffet (PCF). "Notre système éducatif compte de plus en plus de pépinières de haine", "de manière croissante des réseaux salafistes voire jihadistes ouvrent des écoles privées hors contrat", a affirmé François Pupponi, élu PS de Sarcelles (Seine-Saint-Denis).

Nouvelle Gauche, Insoumis et communistes, ont plaidé, en vain, pour un régime d'autorisation préalable. Le Conseil constitutionnel ne censurerait pas une telle mesure, comme fin 2016, ont-ils jugé, car il avait alors épinglé, selon eux, un souci de forme, "pas de fond".

Pour revenir à la version sénatoriale, le gouvernement a fait supprimer un amendement ajouté en commission visant à empêcher une personne inscrite au fichier des personnes recherchées de diriger un établissement hors contrat. Les autorités administratives pourront recourir au motif d'ordre public dans un tel cas, a notamment assuré le ministre.

Inquiet notamment de "fichés S", François Pupponi a jugé que le gouvernement prend "un risque majeur". "Comment être certains que toutes les vérifications seront faites", a demandé Brigitte Kuster (LR).

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