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Edouard Louis et le récit de son viol: après le livre, la perspective du procès

L'écrivain Édouard Louis avait raconté dans un livre avoir subi un viol de la part d'un amant une nuit de Noël à Paris: six ans après, la juge d'instruction a ordonné le procès de son agresseur présumé en requalifiant les faits d'"agression sexuelle".

Le soir du 25 décembre 2012, Édouard Louis, alors âgé de 20 ans, avait porté plainte pour viol et tentative de meurtre contre un jeune sans-papier algérien rencontré dans la rue en rentrant du réveillon.

A la police, celui qui n'était pas encore l'auteur d'"En finir avec Eddy Bellegueule", un récit qui l'a rendu célèbre un an plus tard, avait rapporté avoir été étranglé avec une écharpe avant d'être violé par son agresseur.

De ce drame, Édouard Louis avait ensuite tiré la trame d'une "Histoire de la violence", publié le 7 janvier 2016, deux jours avant l'arrestation fortuite du suspect dans une autre affaire. "Il n'y a pas une ligne de fiction", avait expliqué l'écrivain à Livres Hebdo lors de la promotion de l'ouvrage.

Côté judiciaire, l'enquête a finalement établi que les deux hommes avaient eu des relations consenties au domicile parisien de l'écrivain. Mais que les choses avaient dégénéré quand Edouard Louis s'était aperçu de la disparition de sa tablette.

Confondu par son ADN puis mis en examen pour un viol avec arme qu'il a toujours contesté et pour vol, Reda B., aujourd'hui âgé de 33 ans, avait été remis en liberté après onze mois de détention.

Ses dénégations n'ont pas convaincu la juge d'instruction. "Les déclarations d’Édouard Louis dénonçant" une relation sexuelle "imposée par violence, contrainte ou menace, sont corroborées tant par les témoignages" de ses proches, "que par les constatations médicales", écrit la magistrate dans son ordonnance du 22 janvier dont a eu connaissance l'AFP.

Mais comme dans de nombreuses affaires d'accusations de viol, et conformément aux réquisitions du parquet de Paris, la juge a décidé de requalifier les faits en délit d'"agression sexuelle", une alternative à un procès aux assises.

- Refus de confrontation -

Édouard Louis"est soulagé que le viol dont il a été victime ne soit pas effacer d'un trait de plume et satisfait que celui qu'il dénonce échappe aux assises" et à "tout ce système représsif qu'il dénonce politiquement", a réagi son avocat Emmanuel Pierrat auprès de l'AFP.

Au cours de l'enquête, l'écrivain, figure de la gauche radicale et opposé à l'incarcération, avait refusé à deux reprises de se rendre à la confrontation, souhaitée par la défense, tout en réclamant un non-lieu.

Il s'était néanmoins constitué partie civile après l'arrestation de Reda B. et avait ensuite confirmé ses accusations dans le bureau de la juge.

"Je pense qu'il ne viendra pas au procès", a encore déclaré Me Pierrat, rappelant que son client n'y était pas tenu.

"Il n'est pas nécessaire de confronter des personnes quand c'est parole contre parole ; ça n'aurait rien apporté, sinon des souffrances supplémentaires à mon client", a-t-il ajouté.

"Édouard Louis, incarnation revendiquée des +gilets jaunes+ et fervent défenseur du peuple contre les sachants, (...) aurait donc plus confiance en des magistrats professionnels qu'en des jurés populaires", s'est étonnée Me Marie Dosé, l'avocate de Reda B.

"Contrairement à lui, mon client n'a pas peur des jurés. Et nous avons déjà interjeté appel de cette ordonnance de renvoi afin d'obtenir, à titre principal, un non-lieu qu’Édouard Louis avait lui-même sollicité dans le cadre de l'instruction", a-t-elle déclaré à l'AFP.

"Mon client a droit à être confronté à celui qui l'accuse, et ce droit lui a été dénié par la partie civile tout au long de son incarcération", a-t-elle fait valoir.

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