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En 1998-99, sur les braises de l'affaire Festina, la difficile naissance de l'AMA

"Il fallait que les États s'en mêlent", se souvient l'ancienne ministre française des Sports, Marie-George Buffet. A l'été 1998, le scandale Festina provoque un électrochoc dans la lutte contre le dopage. Mais il faudra des mois de négociations avec le mouvement olympique pour mettre sur pied l'Agence mondiale antidopage (AMA), en novembre 1999.

8 juillet 1998, à l'aube, l'interception par les douanes de la voiture du soigneur des Festina, Willy Voet, dont le coffre est chargé d'EPO, d'hormones de croissance et autres produits dopants, déclenche une tempête sans précédent sur la Grande Boucle. Mais l'ancienne ministre reste marquée par l'ambiance sur le village du Tour, qui devait s'élancer de Dublin en Irlande. "Tout le monde se marrait. L'idée, c'est quand même que c'était la pratique", raconte-t-elle à l'AFP.

A l'époque, l'antidopage est dans les mains du mouvement sportif et du Comité international olympique (CIO). L'irruption de la police et de la justice dans la grande course cycliste symbolisent l'entrée en jeu des autorités publiques, alors que peu de pays disposent de législations antidopage et que les règles ne sont pas harmonisées.

L'ancienne ministre française se souvient qu'elle s'était retrouvée, toujours à l'été 1998, à suspendre le judoka Djamel Bouras, positif à la nandrolone, à cause d'un vice de procédure à la fédération de judo. "Je l'avais en face de moi. Et c'était moi, ministre qui décidait ! Avec toutes les pressions qu'on imagine", raconte-t-elle à l'AFP.

- Salt Lake City -

Au CIO, l'Espagnol Juan Antonio Samaranch, n'est pas connu pour son intransigeance sur le dopage. Fin juillet, il appelle même à une "réduction drastique" de la liste des produits interdits, jugeant que "tout ce qui ne porte pas atteinte à la santé de l'athlète", "ce n'est pas du dopage". Des propos mal interprétés, dira-t-il ensuite.

La pression pousse le CIO à convoquer une conférence internationale sur le dopage, début février 1999, sur ses terres à Lausanne. Entretemps, le président de la commission marketing du CIO, le Canadien Richard Pound, qui fut l'avocat de Ben Johnson après son contrôle positif aux JO de Séoul-1988, est chargé de dessiner l'organigramme d'une nouvelle structure qui permettrait d'harmoniser et de réguler l'antidopage dans le monde.

Mais un autre événement bouscule la donne. En décembre 1998, éclate le scandale de corruption dans l'attribution des futurs JO d'hiver de Salt Lake City 2002. "Quand nous sommes arrivés à Lausanne, tout le monde détestait le CIO", raconte Richard Pound à l'AFP. Sa proposition, une structure où le mouvement sportif se taille la part du lion, soulève un tollé des Etats, notamment européens.

"A ce moment-là, Samaranch m'a dit +vous voyez, nous n'aurions jamais dû organiser cette conférence+", se souvient le Canadien, un sourire dans la voix. "Mais je lui ai répondu que si les gouvernements prenaient 50% des voix, ils seraient obligés de faire quelque chose (dans l'antidopage) au lieu de passer leur temps à se plaindre du CIO. Et s'ils prenaient 50% du contrôle, il faudrait aussi qu'ils payent 50% des coûts".

Les travaux vont se poursuivre plusieurs mois, jusqu'à la naissance officielle de l'AMA, le 10 novembre 1999, avec une représentation à parité entre le mouvement olympique et les Etats. A sa tête, Richard Pound, ce qui fera encore polémique. Depuis, les observateurs soulignent volontiers que quand le mouvement olympique sait parler d'une seule voix au sein de l'agence, les gouvernements ont souvent du mal à dégager une position commune.

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