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En Nouvelle-Calédonie, la "génération Matignon" tourmentée par le référendum

"On se pose beaucoup de questions parce qu'on ne nous informe pas assez sur ce qui va se passer après le référendum", confie Lauranne, une lycéenne de Nouvelle-Calédonie, inquiète sur la stabilité de l'archipel, à quatre mois d'un référendum historique sur l'indépendance.

"Avec le référendum, les affrontements pourraient revenir, il ne faut pas qu'on perde l'acquis, on a tous grandi ensemble", renchérit une élève de terminale d'origine kanak.

Trente ans jour pour après la signature le 26 juin 1988 des Accords de Matignon, traité fondateur qui a mis fin à plusieurs années de guerre civile meurtrière entre indépendantistes kanak et loyalistes caldoches (Européens, ndlr), quelque 200 lycéens ont débattu mardi de la situation politique complexe de leur île.

Tous nés après les dramatiques événements des années 1980, dont le paroxysme fut l'assaut militaire de la grotte d'Ouvéa et ses 21 morts en mai 1988, ils appartiennent à ce que l'on appelle en Nouvelle-Calédonie, "la génération Matignon".

Au terme d'un long processus de décolonisation par étapes, entamé par les accords de Matignon puis poursuivi par l'accord de Nouméa (1998), les Calédoniens seront appelés le 4 novembre à répondre à cette question: "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante?".

Si aucun incident majeur n'a jusqu'alors bousculé la vie quotidienne de cette île à la société multiethnique mais communautariste, les incertitudes sur "l'après-référendum", la montée de l'insécurité et les chicanes politiques engendrent un climat d'intranquillité.

Rassemblés dans la "Case des communautés" à l'architecture mélanésienne, de la commune du Mont-Dore, en banlieue de Nouméa, les lycéens ont visionné un documentaire, retraçant les débuts de la colonisation en 1853, la naissance de la revendication séparatiste kanak à l'orée des années 1970 et la réconciliation entre les communautés, qui depuis trente ans maintient une paix fragile.

- Incessantes querelles -

"J'ai du mal à croire qu'il ait pu y avoir autant de violence et de brutalité alors qu'aujourd'hui on s'entend. J’espère que ça ne reviendra pas, qu'on apprendra de nos erreurs", réagit Veima, élève en 1ère littéraire.

Si comme elle, la plupart des participants se disent attachés "au vivre-ensemble", beaucoup déplorent aussi "le racisme qui empêche d'avancer" et que le référendum "attise".

"On est ensemble en classe mais en dehors on ne se mélange pas: les Kanak avec les Kanak, les Wallisiens avec les Wallisiens et pareil pour les Européens. On n'y est pas encore au destin commun", lâche Victorin, évoquant "les vidéos de bastons entre ethnies sur les réseaux sociaux".

"Quand on est métissé, on souffre encore plus du racisme", témoigne Ghislaine, de sang kanak et tahitien, tandis que ses amies regrettent surtout qu'il n'y ait pas "plus de débats pour parler de l'avenir".

Animateur de ces échanges-citoyens baptisés "Temps de parole, temps de partage", Jean-Marc Bouvet observe en effet que "les jeunes (32% de la population a moins de 20 ans, ndlr) ne se sentent pas écoutés et qu'ils sont en attente d'éléments de compréhension".

Ses propos font écho aux nombreux rapports officiels, rédigés ces dernières années sur la Nouvelle-Calédonie, et qui ont en choeur exhorté les dirigeants locaux à "faire vivre le débat" pour éviter les tensions.

Le dernier en date émane de missionnaires du comité de décolonisation de l'ONU, qui ont estimé que l'explication claire des enjeux du vote, "reste à faire".

A l'initiative du Premier ministre Edouard Philippe, un groupe de dialogue est en place pour préparer "l’après-référendum", mais ses travaux sont émaillés d'incessantes querelles dans les rangs de la droite loyaliste.

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