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Au Zimbabwe, les électeurs se sont mobilisés pour les premières élections post-Mugabe

Les Zimbabwéens se sont déplacés en nombre et dans le calme lundi lors des premières élections générales depuis la chute du président Robert Mugabe en novembre après trente-sept ans de pouvoir, des scrutins historiques organisés dans un climat de suspicion de fraude.

Un total de 23 candidats - un record - étaient en lice pour la présidentielle, organisée en même temps que les législatives et les municipales.

La course pour la fonction suprême se joue entre l'actuel chef de l'Etat Emmerson Mnangagwa, patron de la Zanu-PF, le parti au pouvoir depuis l'indépendance du Zimbabwe en 1980, et l'opposant Nelson Chamisa, leader du Mouvement pour le changement démocratique (MDC).

M. Mnangagwa, qui a succédé en novembre à son ancien mentor, M. Mugabe, à la suite d'un coup de force de l'armée et de son parti, cherche à obtenir par les urnes la légitimé du pouvoir.

Les bureaux de vote ont fermé, comme prévu, lundi à 19H00 (17H00 GMT) et le dépouillement a débuté, parfois à la lumière de bougies ou de lampes à gaz. Les résultats sont attendus d'ici le 4 août.

Pour ces élections historiques, "il y a eu une forte participation, en particulier des jeunes", a déclaré à l'AFP le chef des observateurs de l'Union européenne (UE), Elmar Brok, qui n'a pas signalé, en fin de journée, de cas de violence, alors que les scrutins de l'ère Mugabe avaient été régulièrement entachés de fraudes et violences.

Dès l'aube lundi, de longues files d'attente se sont formées devant de nombreux bureaux de vote à Harare, où l'affluence n'a pas faibli dans la journée.

"J'espère un nouveau Zimbabwe", qui "offre des opportunités égales pour tous", a expliqué Lalita Mtetwa, une diplômée de 30 ans au chômage. "On a des millions de personnes éduquées sans emploi et vivant dans la pauvreté, seuls les riches sont dans une meilleure position", a-t-elle fulminé.

"J'ai voté pour Mnangagwa", a dit pour sa part Robina Mayobongwe, 80 ans, à bord d'une charrette tirée par un âne. "On ne peut pas faire confiance aux jeunots", a-t-elle estimé.

- 'Tentatives de censure' -

M. Mnangagwa, 75 ans, est un habitué des arcanes du pouvoir. Ancien ministre de M. Mugabe, il a aussi été son vice-président jusqu'à son limogeage en novembre, qui a précipité l'intervention de l'armée et le départ humiliant du camarade "Bob".

Pendant la campagne électorale, le président Mnangagwa a cependant affirmé avoir tiré un trait sur son passé de cacique du régime Mugabe, et promis de rétablir la démocratie et de remettre sur les rails une économie aux abois.

Lundi, il s'est félicité que "la campagne ait été pacifique, tout comme le vote". Un élément clé pour qu'il se démarque de son prédécesseur et obtienne la confiance de la communauté internationale et des investisseurs, dont le pays a cruellement besoin.

Preuve de sa volonté de changement, il avait invité, pour la première fois en seize ans, des observateurs occidentaux à surveiller le vote.

L'UE a noté lundi "des défauts" pendant les opérations électorales, notamment "la totale désorganisation" du vote dans deux quartiers pauvres d'Harare, alors que "tout s'est bien passé dans des quartiers plus favorisés".

"Il convient maintenant de vérifier s'il s'agit d'une tendance" ou de cas isolés, a ajouté M. Brok.

M. Chamisa a lui dénoncé des "tentatives délibérées de censurer" les votes en zone urbaine, fief traditionnel du MDC.

Mais il s'est déclaré confiant sur l'issue du vote. "Je n'ai aucun doute que d'ici la fin de la journée, nous devrions avoir une voix catégorique pour le changement", a lancé le quadragénaire.

- Mugabe a voté -

M. Mnangagwa est donné favori de la présidentielle, mais l'écart entre les deux hommes s'est récemment réduit dans les sondages. Le premier est crédité de 40% des suffrages, contre 37% pour le second, selon un sondage publié il y a dix jours par le groupe Afrobarometer.

Si aucun candidat n'obtient la majorité absolue lundi, un second tour sera organisé le 8 septembre.

L'ancien président Mugabe a voté sous les flashs des photographes dans une école d'Harare, où se pressait une foule d'admirateurs, de curieux et détracteurs.

Il s'est refusé à tout commentaire. Mais la veille, il avait, lors d'une conférence de presse surprise, appelé les électeurs à faire chuter son ancien parti, la Zanu-PF.

"J'espère que le vote de demain (lundi) va faire tomber la forme militaire de gouvernement" actuel, avait-il lancé. "Je ne peux pas voter pour ceux qui m'ont mal traité", avait-il poursuivi, avant de sous-entendre qu'il donnerait sa voix à M. Chamisa, dont il a toujours combattu la formation.

Tout au long de la campagne, le président Mnangagwa a promis l'apogée d'une "nouvelle démocratie" et des milliards de dollars d'investissement pour remettre sur pied une économie ruinée par les réformes catastrophiques de son prédécesseur.

Le pays manque cruellement de liquidités, obligeant la population à faire la queue des heures devant les banques pour obtenir quelques dizaines de dollars en liquide, tandis qu'une écrasante majorité de la population est au chômage.

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