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Hausse de la CSG: petits retraités, grosse amertume

Les premières pensions de l'année ont été versées début février et la hausse de la CSG est devenue concrète pour des millions de retraités, y compris parmi les moins aisés, alimentant leur mécontentement envers l'exécutif et sa communication ambiguë.

Il avait beau s'y attendre, Jacky accuse le coup. A 69 ans, ce retraité de la SNCF vient de voir sa pension diminuer de 1.660 à 1.621 euros par mois. Sa femme, ancienne ouvrière dans l'industrie automobile, touche désormais 759 euros, contre 773 auparavant.

Avec les centimes, "ça fait 638,40 euros de moins par an, presque un mois de loyer" pour ce couple de Châlons-en-Champagne. Une ponction considérable quand "on n'a que nos pensions pour vivre", explique-t-il.

Malgré leurs ressources limitées, Jacky et sa femme font bien partie des "60% de retraités les plus aisés" auxquels Emmanuel Macron a demandé, l'été dernier, "un effort" pour compenser la suppression des cotisations chômage et maladie des salariés du secteur privé.

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, assurait de son côté que "les plus modestes ne (seraient) pas touchés", avec des seuils fixés à 1.200 euros par mois pour un retraité vivant seul et 1.841 euros pour un couple.

"Jusqu'à 1.200 euros, les retraités d'aujourd'hui (...) n'ont pas d'augmentation de CSG", a encore affirmé lundi le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin.

"La réalité est un peu plus subtile", souligne Didier Hotte, du syndicat UCR-FO. Le barème retenu repose en effet sur le revenu fiscal de référence, qui prend en compte tous les revenus du foyer.

"En louant une chambre à un étudiant, on peut se retrouver au dessus" du plafond pour bénéficier du taux réduit de CSG, observe-t-il.

"Il y a eu une mauvaise communication. Le gouvernement a laissé entendre à un certain nombre de gens qu'ils ne paieraient pas l'augmentation de la CSG", regrette Pierre Erbs, président de la Confédération des retraités, regroupement d'associations qui revendique 1,5 million d'adhérents.

- 'mouvement de grogne' -

Pour Frédérique, "ça n'était pas une surprise", sa pension est passée de 1.231 à 1.204 euros. Mais "avec ça on ne va pas loin", témoigne cette ex-institutrice de 62 ans.

Propriétaire de son logement à Caen et d'un studio qu'elle loue, "il y a plus malheureux que moi", reconnaît-elle. Sa compagne, également retraitée de l'Education nationale, émarge à environ 1.400 euros, si bien qu'"à deux on perd presque 60 euros par mois sur des retraites pas faramineuses".

"Ces personnes ont travaillé et cotisé pendant 40, parfois 42 ans. On ne peut pas continuer à réduire leur pouvoir d'achat", proteste Michel Salingue, du syndicat d'anciens fonctionnaires FGR-FP.

Ces dernières années, il y avait déjà eu le gel des pensions, la suppression de la "demi-part des veuves", la fin de l'exonération d'impôt pour la majoration de 10% accordée à ceux qui ont eu trois enfants et la création d'une taxe sur les pensions (la Casa) pour financer la prise en charge de la dépendance des personnes âgées.

"On nous en retire de plus en plus. Cela crée un sentiment de frustration et d'inquiétude, voire une forme de rancoeur", analyse M. Hotte.

"Il y a un mouvement de grogne chez les retraités", qui pourtant "ont été très macroniens", affirme M. Erbs.

Les sondages des dernières semaines, qui relèvent tous une baisse de la popularité d'Emmanuel Macron et du Premier ministre Edouard Philippe, mettent aussi en exergue un décrochage plus prononcé chez les retraités.

Pour enrayer cette désaffection, l'exécutif mise sur la suppression progressive de la taxe d'habitation, censée compenser la hausse de la CSG pour une partie des retraités concernés.

"Dans dix mois, les Français recevront la taxe d'habitation divisée d'un tiers cette année", a rappelé M. Darmanin. Son cabinet assure que "les trois quarts des retraités ne perdront rien à horizon 2020".

Un horizon trop lointain pour les neuf syndicats qui ont appelé à une manifestation le 15 mars. Ce jour-là, "on pourra mesurer le mécontentement", prévient M. Salingue.

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